DES LIGNES DES LIGNES

Certain(e)s écrivent, d’autres pas.

Certain(e)s lisent, d’autres surfent.

Certain(e)s regardent, d’autres écoutent.

Moi j’écris. Et je lis, en ligne la plupart du temps. Mais je compte me remettre au papier bientôt. Pour redevenir plus tactile que seulement visuel, plus sensuel que virtuel.

Tel que l’affirme Mr Bobin, écrire est un étrange métier, mais moins un métier qu’un état, et moins un état que l’espérance de cet état de plénitude [permanent] qui nous dispenserait d’écrire en premier lieu.

Donc écrire est un espoir, une espérance. On écrit en quelque sorte pour arriver à quelque part, pour atteindre un état. Un état, comme un lieu, une disposition intérieure, une façon d’être qui, si on y arrivait, nous amènerait à arrêter d’écrire.

On écrit en quelque sorte après sa plume comme le chien court après sa queue. On veut arriver au bout de son stylo, ou de son clavier désormais (il me semble que Mr Bobin écrivait à la main, du moins une bonne partie de sa vie).

En écrivant, on s’en va donc à quelque part. Un quelque part qui, par contre, on sait déjà être ici. On va vers quelque part pour arriver encore plus ici, encore davantage ici. Full ici.

On écrit comme on fait de la course sur place. On courts vers ici. Comme on écrit pour revenir ici, pour retomber dans le moment présent. Et y rester. Sauf que c’est souvent en écrivant qu’on y arrive, qu’on y est. C’est le chemin qui se veut la destination.

Écrire peut être un métier pour certain(e)s, dans le sens que l’acte d’écrire peut rapporter des dividendes sonnants. Journalistes, écrivain(e)s, auteurs/trices, romanciers/ères et autres publieurs de toutes sortes relèvent de cette catégorie.

Moi je me considère plutôt comme un écrivain en vain, qui écrit vain. Je ne sais pas vraiment pourquoi j’écris, mais je continue à écrire. Pas que j’aie quelque chose de spécifique à dire. J’écris pour l’acte d’écrire.

De nos jours, nous sommes plusieurs à tenir blogue, des sites pour lesquels on doit payer nous-mêmes pour ne pas qu’ils contiennent de publicité. Donc pour nous, blogueurs amateurs/trices, écrire est un métier pour lequel on doit débourser un peu. Débourser quelques sous, mais surtout du temps. Mais ce temps n’est pas perdu, c’est un temps passé à se chercher, et peut-être éventuellement se trouver. On gagne du temps en écrivant.

Mais paie-t-on vraiment pour écrire ? Ou, au contraire, n’en retire-t-on pas plutôt quelque chose ? Ne serait-ce pas plutôt un investissement qu’une dépense ? Car on peut s’investir beaucoup en écriture. Surtout quand on écrit dur. Parfois on écrit mou, et d’autres fois on écrit dur.

Mais on n’écrit jamais pour rien. On écrit peut-être pour ne rien dire, ou ne pas dire grande chose, ni quelque chose de très précis, mais ce non dire constitue tout de même le moteur de notre tap tap tap claviérique.

Comme si on écrit pour découvrir une vérité qui se cacherait en soi et qu’on doit dévoiler. On écrit comme l’effeuilleuse se strip et nous tease. On écrit pour retirer une couche à la fois, pour se dévoiler couche par couche. Et en même temps que certain(e)s n’écrivent jamais à propos d’eux ou elles mêmes directement, on n’écrit toujours qu’à propos de soi. Car comment ne pas écrire à propos de soi ?

J’ai repris le récit de ma vie, ce que l’on nomme habituellement une biographie. Pas tant pour me raconter moi-même que raconter, décrire et présenter les gens formidables que j’ai eu la chance de croiser au cours de ma vie. Des gens extra ordinaires.

J’écris l’hsitoire de ma vie non pas pour me mettre en valeur car ma valeur ne dépend pas des quelques mots qui tentent de me dire moi et le monde autour, et sa grande complexité. J’écris davantage pour rapiécer tous mes morceaux épars, tous mes ptits bouts, tous les ptits bouts d’ati, les ptits bouts de cet ati. Cet ati qui se cache entre les lignes.

Des ligne, des lignes.

Alors j’écris, j’écris.

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J’écrivais et je pensais à l’expression et à la communication.
J’espérais partager mon histoire – aussi triste et petite soit-elle parfois – avec quelqu’un, n’importe qui, là-bas qui pourrait ressentir la même chose ; qui pourrait apprendre quelque chose de la promenade que je venais de terminer, ainsi que la marche qui était nécessaire pour s’éloigner de ce qui s’était déjà passé.
J’étais clair là-dessus, vous voyez.
Mais c’est Jimmy [James Baldwin] qui m’a remis sur les rails et m’a appris – et m’a toujours rappelé – que la notion même de dignité humaine, l’histoire de l’humanité, les exemples de gentillesse, de bravoure et d’invention qui sont à notre disposition, sont venus à travers l’art, sont venus à travers l’acte téméraire et glorieux de quelqu’un qui écrit avec audace ou chantant ou peignant ce qui avait été leur histoire, leur propre marche à travers et loin et vers quelque chose.
James Baldwin, si vous voulez, m’a appris à écrire, bien sûr, mais aussi à marcher, à continuer à marcher, à témoigner. nous devons tous continuer à transmettre ce que nous avons vu, partager l’histoire, éduquer ing ceux qui marcheront derrière nous.

– Tennessee Williams au sujet de James Baldwin / Entretien avec James Grissom

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Quand quelqu’un meurt, il ne disparaît pas.
C’est l’inverse.
C’est à ce moment-là que la personne apparaît, parce qu’elle est délivrée d’elle-même, de ses ombres, de sa volonté, de son ambition, de tout projet, de toute connaissance que l’on croyait avoir d’elle.
Et il y a un surgissement de quelque chose qui, bizarrement, à l’instant où tout s’efface, est ineffaçable. (…)
Les disparus ne sont donc pas des disparus, ils sont une armée douce, fidèle, qui nous assure de recevoir un rayon de soleil.

– Christian Bobin via Jean Gagliardi

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