CÔTE À CÔTE & COEUR À COEUR

Tu n’as pas à guérir qui que ce soit, ni à le rendre heureux. De toute façon, tu ne peux pas, peu importe l’effort que tu y mets. Ta tâche consiste simplement à prendre soin de toi et à les aimer pendant qu’ils/elles apprennent à faire de même.
– Lori Deschene

J’avais justement besoin de lire ça ce matin moi.

C’est que depuis quelques semaines, nous sommes quelques-uns à accompagner une personne proche de nous, une proche qui souffre. Elle souffre en elle-même. Et parfois, sa souffrance m’atteint moi droit au coeur et drette dans l’âme.

La plupart du temps, je peux demeurer à ses côtés, calme, disponible, touché mais pas happé par le mal qui la frappe ces temps-ci, ni bousculé par le tourbillon qui tempête dans sa tête.

Mais parfois, je veux trop, je veux pour elle et alors, je deviens impatient. Parfois je veux que sa souffrance cesse, je veux faire cesser sa souffrance, qui doit être aussi un peu la mienne si je veux tant qu’elle cesse. Comme si sa souffrance à elle titillait ma souffrance à moi. Quand nos proches souffrent, aussi soi qui souffre un peu.

Peut-être qu’une seule et même grande souffrance au fond que celle de l’humanité. Celle de se sentir déconnecté(e) du reste du monde, de ne plus savoir, ni où, ni quand, ni pourquoi ou comment. Cul-de-sac existentiel parfois en soi.

Quand on sent la douleur d’autrui, on la ressent jusqu’en soi. Et le truc consiste peut-être simplement à – ou tenter de – la laisser nous pénétrer, nous toucher, mais de la laisser aller après qu’elle nous ait passé au-travers du coeur et du corps.

Comme le Goretex, ce tissu qui laisse passer l’air mais pas l’eau. Perméable à la présence d’autrui, mais imperméable au poids de sa charge.

Car on ne peut partager le poids de la souffrance d’autrui. On ne peut que se tenir à ses côtés, lui dire qu’on est là. Et ne pas lui faire la morale, ni lui dire – ni ne lui faire sentir en silence – que sa souffrance n’est pas nécessaire, ni réelle. Car pour elle, elle l’est. Sa souffrance est réelle si elle dit souffrir pour de vrai.

Alors je ne lui dirai pas ceci:

Car son coeur, et son corps, et sa tête, et son âme ne craignent pas la souffrance, ils sont pure souffrance ces temps-ci, du moins c’est ce qu’elle dit et ce qu’elle me semble vivre. La souffrance semble avoir pris contrôle de son être. Elle se sent loin, seule, captive, découragée, emprisonnée, menottée en elle-même. Du moins c’est ce que j’entends et comprends de ce qu’elle me dit, de ce qu’elle raconte. Nous n’avons que nos perceptions pour saisir le monde extérieur.

Moi qui ai toujours pensé qu’on pouvait se sortir de tout malaise/mal-être simplement en le voulant, en désirant en sortir, en faisant un effort, je découvre que parfois, ce n’est pas aussi simple que ça, pas aussi rapide du moins. Parfois, un mur se dresse en soi. Parfois, nous frappons notre Waterloo, parfois nous nous transformons en Humpty Dumpty tombant de son mur. Difficile d’y remonter.

Et que je ne me surprenne pas à penser qu’une telle situation ne m’arrivera jamais car je découvre que ça peut arriver à tout le monde, dans le sens de n’importe qui.

Je ne lui dirai pas non plus telle que l’avance cette affiche ci-bas que la souffrance est telle la mort dans un rêve, de ne pas croire qu’elle est réelle, ni de voir la souffrance comme une illusion.

Même si je le pensais, ce qui m’arrive parfois dans ma ptite tête de linotte, je ne lui dirais pas. Car de lui dire cela serait un peu nier ce qu’elle vit, discréditer son expérience. Et qu’en sais-je moi ? Car elle souffre et ça parait. Sans prendre le poids de sa souffrance, il faut au moins la reconnaître.

Dans la vie, certains se disent hyper-sensibles. Je crois que nous sommes plusieurs dans cette situation. Rien de mal à être sensible et empathique. L’idée est probablement d’apprendre à ne pas prendre le stock des autres sur soi, sans se couper de l’autre. Résonner sans prendre, sentir sans acquérir.

Elizabeth Kübler-Ross disait hier ici que les personnes les plus formidables sont celles qui ont connu la défaite, la souffrance, les difficultés et les pertes et qui ont réussi à trouver leur chemin à-travers ces profondeurs. Ces personnes ont développé une capacité d’appréciation, une sensibilité ainsi qu’une compréhension de la vie qui leur a permis de développer compassion, gentillesse de même qu’une profonde et sincère prévenance envers autrui.
Les «bonnes personnes» ne le deviennent pas simplement comme par magie.

En espérant sincèrement que ma proche saura transformer ce passage étroit en bonté, en force, en maturité, en sagesse.

Mais pour le moment, tout ce que je peux faire, c’est être là pour elle, l’accepter complètement dans tout ce qu’elle vit. Sans juger, sans monter dans ma tête pour ne pas sentir ou pour me protéger, simplement être là pour elle. À ses côtés, allié, proche de coeur, d’âme et d’esprit.

Car

Amen et avec son esprit, de même qu’avec l’aide du grand Esprit.

___
La souffrance, celle du corps, je pourrais finir par m’y habituer, par en faire une compagne.
Je la dompterai ou elle m’emportera. Mais la souffrance du coeur, on ne s’y accoutume jamais. Elle est insidieuse. Et bien plus dévastatrice.

– Philippe Besson via Robert Potvin

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