
Le thème de la guérison poppe partout autour de moi par le biais de certains proches sous diverses formes ces jours-ci. Ça doit être la Cura qui s’en vient à grands pas.
Car si la souffrance appelle la guérison, on dirait qu’à l’inverse la guérison appelle aussi la souffrance. Le désir de guérir me semble proportionnel au niveau de souffrance vécu: ainsi, plus on souffre, plus on veut s’en sortir, plus ça fait mal, plus on recherche un soulagement quelconque. Qu’on parle de douleur physique, psychologique ou spirituelle.
Je mentionne le volet de la souffrance spirituelle car il me semble que nous sommes en déficit de sens ces temps-ci et que cela fasse mal au coeur et à l’âme. Je crois d’ailleurs que l’on interprète à tort les problèmes de santé mentale actuels, ou du moins trop centrés sur le mental. Je crois que la souffrance mentale environnante cache davantage une crise de spiritualité.
On cherche sa place ci-bas en ce monde vite vite vite et déboussolé, on se demande ce que l’on fait ici. D’où l’on vient, où on l’on va, ce que nous sommes et faisons ici. Et autres petites questions du genre.

La plupart d’entre nous avons accepté le cycle boulot–repas-divertissement-dodo et ne semble pas avoir de désir d’une compréhension plus profonde de notre raison d’être dans l’univers.
Moi aussi.
Bien sûr qu’entre les questions, il faut bien vivre et gagner sa croûte. Mais on semble se faire engloutir par les diverses activités du quotidien jusqu’à en oublier complètement les grandes questions fondamentales.
Évidemment, on doit trouver l’équilibre entre le questionnement existentiel et les choses du quotidien. Mais il me semble que face à l’inconnu, on a tendance à vivre au jour le jour et à ne pas regarder en avant, à ne voir qu’à court terme, mais davantage par peur de ce qui s’en vient que par zenitude. Il me semble que l’on se réfugie dans le présent mais plus par anxiété face à l’avenir que par une saine capacité à vivre le moment présent. Car ce qui est devant nous est inquiétant, questionnant du moins. Alors on regarde à courte vue.
Mais en même temps, il est possible – indispensable même – de vivre le moment présent tout en pensant et en préparant l’avenir. Pas vraiment le choix. Un pas à la fois en ne perdant pas de vue la cible un peu plus lointaine. Tendre vers.
Un pied dans le présent, un autre toujours en l’air se soulevant légèrement et marchant vers l’avenir. Un élan la vie.
Avançant tout en gardant le passé en tête et au coeur mais en arrière plan seulement. Savoir d’où l’on vient, apprécier le travail de nos ancêtres et tendre vers un avenir meilleur pour ceux et celles qui marchent dans nos pas.
Toujours un équilibre délicat entre vivre les deux pieds dans le présent et tendre doucement et légèrement vers l’avenir. Incertain avenir. Équilibre aussi entre se poser des questions sur le sens de la vie et simplement vivre. La profondeur de la légèreté d’être.
Délicat équilibre aussi entre chercher la guérison et décider de vivre le bonheur sans fouiller ad vitam aeternam dans ses bobos. On ne peut toujours ouvrir et ré ouvrir nos plaies. C’est le temps, et l’air, qui aident à guérir.
Une habitude alors la guérison ? Peut-être oui, Une décision en tous cas. Guérir les endroits en soi où le passé vit encore, ou l’on réagit au passé plutôt que de répondre au présent.
Une pratique en tous cas. La guérison est une forme de pratique spirituelle. Très pratique de considérer ainsi en effet. Un façon de vivre, un style de vie. Mais pour mettre cela en pratique et en développer une habitude intégrée, il faut être sincère, honnête et transparent. Il faut être ouvert à voir en toute honnêteté ce qui se cache en nous dans le prendre pour du cash. Et prêt à le laisser aller aussi.
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« Je condamne l’ignorance qui règne en ce moment dans les démocraties aussi bien que dans les régimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu’on la dirait voulue par le système, sinon par le régime. J’ai souvent réfléchi à ce que pourrait être l’éducation de l’enfant.
Je pense qu’il faudrait des études de base, très simples, où l’enfant apprendrait qu’il existe au sein de l’univers, sur une planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu’il dépend de l’air, de l’eau, de tous les êtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout détruire.
Il apprendrait que les hommes se sont entretués dans des guerres qui n’ont jamais fait que produire d’autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongèrement, de façon à flatter son orgueil.
On lui apprendrait assez du passé pour qu’il se sente relié aux hommes qui l’ont précédé, pour qu’il les admire là où ils méritent de l’être, sans s’en faire des idoles, non plus que du présent ou d’un hypothétique avenir.
On essaierait de le familiariser à la fois avec les livres et les choses ; il saurait le nom des plantes, il connaîtrait les animaux sans se livrer aux hideuses vivisections imposées aux enfants et aux très jeunes adolescents sous prétexte de biologie. ; il apprendrait à donner les premiers soins aux blessés ; son éducation sexuelle comprendrait la présence à un accouchement, son éducation mentale la vue des grands malades et des morts.
On lui donnerait aussi les simples notions de morale sans laquelle la vie en société est impossible, instruction que les écoles élémentaires et moyennes n’osent plus donner dans ce pays.
En matière de religion, on ne lui imposerait aucune pratique ou aucun dogme, mais on lui dirait quelque chose de toutes les grandes religions du monde, et surtout de celle du pays où il se trouve, pour éveiller en lui le respect et détruire d’avance certains odieux préjugés.
On lui apprendrait à aimer le travail quand le travail est utile, et à ne pas se laisser prendre à l’imposture publicitaire, en commençant par celle qui lui vante des friandises plus ou moins frelatées, en lui préparant des caries et des diabètes futurs.
Il y a certainement un moyen de parler aux enfants de choses véritablement importantes plus tôt qu’on ne le fait. »
– Marguerite Yourcenar, Les yeux ouverts
via Robert Potvin via Ariane Laberge merci !