L’AMOUR MAIS ENCORE

L’Amour, ah ce cher mot, ce mot si cher à notre coeur. Ce mot ultime mais oh combien fuyant, éphémère et si mal compris. Souvent, aussi, mal vécu.

J’ai déjà entendu dire, ou déjà lu – il me semble du moins – que pour les langues des nations anciennes – l’amour ne peut qu’être verbe, qu’il n’existe pas en tant que mot. L’amour ne peut qu’être agi, incarné, activé, une action.

Cela fait sens car on ne peut trouver d’amour nulle part à l’état brut, l’amour en tant que chose n’existe pas. L’amour ne peut qu’être vécu, transmis, vivant. L’amour ne peut être figé ni dans le temps, ni dans l’espace. L’amour mort n’existe pas. Toujours vivant l’amour.

Ainsi l’amour ne serait pas une chose. Non plus une relation. J’ai souvent entendu Osho dire que l’amour n’est pas une relation mais une plutôt une disposition intérieure, une façon d’être, en et avec soi, donc avec les autres. Makes sense.

Mais si on voulait absolument que l’amour soit une chose, ce pourrait être, selon les mots de Bobin: la substance épurée du réel, son atome le plus dur, un réel désencombré de nos attentes imaginaires. Si quelque chose, quelque chose d’éthérique, une chose déchosée, de la matière dans sa plus pure expression, l’essence fondamentale au-delà de la chose même. Le noyau le plus pur et dur de la matière. Une chose évanescente. Un nuage d’essence de l’esprit du monde.

Je t’aime.

Cette expression peut vouloir tout dire et, si souvent, ne rien dire. En tentant de tout dire.

Parfois, je t’aime signifie je veux t’aimer.
Parfois,
je t’aime signifie je vais rester un peu plus longtemps.
Parfois
je t’aime signifie je ne suis pas certain(e) comment partir.
Et parfois,
je t’aime veut dire je n’ai nulle part d’autre où aller.
– rupi kaur via Maya Sarah.

Aucun autre mot n’a jamais autant été utilisé, écrit, chanté et prononcé que le mot Amour. Et pourtant. Beaucoup d’amour en ce monde, ou beaucoup de monde aimant, mais aussi, et pourtant, beaucoup de haine. Qui n’est peut-être au fond rien d’autre qu’amour frustré. Car si on peut aimer aimer, certain(e)s aiment aussi haïr. Je me permet de reprendre ci-bas l’excellent texte de Marie Laberge intitulé Aimer haïr que j’ai posté dans une chronique récente car très à propos ici aussi. J’aime ses mots.

Je t’aime.

Je t’aime, juste je t’aime, je t’aime tout court est quelque chose à dire. Tellement que parfois on y ajoute beaucoup à sa suite pour en atténuer la portée, comme pour se protéger. Rare que beaucoup ne soustrait, réduise. Mais en amour, beaucoup c’est parfois moins que rien, et plus qu’il n’en faut.

On a tant écrit et chanté au sujet de l’amour. Et pourtant. On le fait encore, et toujours. Car on en a bien besoin. Mais on surtout besoin d’aimer, et de s’aimer. Soi et les autres. Car on n’aime les autres qu’à sa propre mesure. Et l’amour ne se compte pas ni ne se calcule. Et on ne peut compter que sur l’amour en ce bas monde.

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L’absence de peur est ce que l’amour recherche. Une telle absence de peur n’existe que dans le calme absolu qui ne peut plus être ébranlé par les événements attendus du futur. Ainsi, le seul temps valable est le présent, le maintenant.
– Hanna Arendt
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COMMENT AIMER
Lorsqu’un être cher souffre physiquement ou émotionnellement, quand leur monde n’a plus de sens, votre simple écoute peut faire des merveilles.
Pleurez avec eux. Soyez silencieux avec eux.
Validez leurs sentiments, aussi douloureux soient-ils.
Aidez-les à se sentir connus dans ce monde.
N’offrez pas de réponses intelligentes maintenant. Offrez-vous.
Ne prêchez pas et n’enseignez pas.
Ne les jugez pas et ne les faites pas se sentir mal parce qu’ils pensent ce qu’ils pensent.
Embrassez-les.
Ainsi, ils ne se sentent pas seuls.
Ainsi, ils peuvent toucher à leur propre courage.
Leur capacité à résister à des émotions intenses.
Lorsqu’un ami souffre physiquement ou émotionnellement,
quand leur monde n’a plus de sens,
offrez-leur le plus grand des remèdes :
Ton amour.

– Jeff Foster
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Aimer haïr

Quand j’étais petite, une de mes sœurs pleurait beaucoup. Un jour où je l’ai trouvée en larmes, j’ai essayé de savoir ce qui lui était arrivé. Entre deux sanglots déchirants, elle m’a dit : « Je pleure parce que j’aime ça ! »

J’étais très embêtée parce que ça signifiait que je n’arriverais ni à la consoler ni même à améliorer un peu son sort. Elle se réfugiait dans les larmes comme d’autres le font dans le chocolat.

Pourquoi j’évoque ce souvenir ?

Depuis quelque temps, j’ai l’impression désagréable que beaucoup de gens s’autorisent l’expression de sentiments autrefois tabous dans la sphère publique. Et même privée si on considère que « tu devrais te tuer » est un conseil qu’on n’a pas à entendre que ce soit publiquement ou privément.

Je parle de la rage qui explose, de la haine qui la sous-tend. Je parle de toutes ces lignes anonymes qui hurlent des sentiments qui vont de l’agacement féroce à la brutale intolérance en passant par l’envie de tuer l’opinion de l’autre quand ce n’est pas d’éliminer carrément son auteur.

En quoi, pourquoi les évènements ou les comportements de nos semblables sont-ils devenus soudain si insupportables ? Si agressants qu’ils stimulent des réactions aussi absolues ?

Oui, je sais, la pandémie… Ces deux ans d’une expérience difficile pour la plupart des gens, ce moment arrachant pour ceux qui y ont perdu leur santé ou des êtres chers, ces deux ans seraient en partie responsables des excès de bile et de violence. Je trouve qu’elle a bon dos, la COVID-19. Alors qu’on a appris à se protéger et à protéger l’autre, à le considérer dans son éventuelle détresse, sa solitude, il s’en est trouvé pour regarder l’autre comme un empêchement, une forme de coercition et même une condamnation. Le refus de l’autre a alors commencé à régner. Pour certains, c’est devenu plus venimeux que le virus. Mais à quoi ça sert de laisser jaillir la haine, le rejet, à la plus petite occasion – je sais, elles ne manquent pas ? Si au moins ça soulageait ! Mais ça ne fait que s’exalter, s’amplifier jusqu’à prendre des proportions démesurées. La violence se nourrit d’elle-même davantage que du sujet qui la suscite, la violence est une cannibale qui nous dévore avant de mordre l’autre. La haine nous enlaidit avant de salir son destinataire. Et on en vient à aimer la sensation de faux pouvoir que procure l’expression de cette rage.

S’indigner, se révolter, essayer de rendre le monde meilleur ou légèrement plus humain ne veut pas dire assommer et haïr voluptueusement ceux que l’on considère comme responsables de ces maux. Ce qui provoque les plus valeureux combats, les plus nobles batailles, ce n’est pas la haine, c’est la foi : croire en quelque chose ou quelqu’un et tenter de convaincre par des arguments et non pas en s’acharnant à coups de jugements épicés de fiel.

La rage ou même la haine qui mijote en nous, on a intérêt à l’éliminer, à la calmer. Parce que se mettre à invectiver, à gueuler son mépris, ce n’est que l’expression d’une impuissance.

Être soumis à sa rage intérieure, c’est l’inverse d’être libre. Bien sûr que certains jours, je bous de colère… mais lui céder me semblerait tellement stérile. Aimer pleurer ne tarissait pas les larmes de ma sœur et ne la consolait de rien.

Aimer haïr dessèche et isole. Les gens qui aiment haïr me font peur parce que ça constitue le contraire de combattre, l’inverse de s’opposer et de lutter. Accabler d’injures, abreuver « l’adversaire » de mots orduriers, de doigts d’honneur et de vœux de destruction, ça ne permet qu’une chose, la dissension cacophonique. Ça éloigne toute forme de pensée ou même d’argumentation sensée.

C’est l’homme de théâtre Bertold Brecht qui a dit – je cite de mémoire : « Nous le savons pourtant, même la haine de l’intolérance mène à l’intolérance. »

Évidemment, il avait raison.

Haïr, ça a l’air dynamique, comme ça, sur le coup, mais c’est du poison qu’on se verse et qu’on boit en espérant tuer l’autre.

Ma petite sœur devenue grande ne pleure plus, sauf si un vrai malheur survient. Son rire me ravit. Et elle rit souvent.

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