L’ESPACE DE SILENCE DANS LEQUEL TOUT EST

Rappelle-toi: tu ne t’en va pas nulle part.
Tout va et vient.
Mais tu n’es pas ce mouvement.
Tu es l’espace silencieux dans lequel tout mouvement se produit.
– Eckart Tolle

Je complète aujourd’hui un programme intensif de raffinement de l’attention et de détox numérique dans le cadre duquel on devait prendre conscience de nos multiples attachements à nos divers outils technos: portables, tablettes et/ou cellulaires. Et/ou car nous sommes nombreux à en posséder plusieurs, une panoplie d’outils conçus pour nous faire sauver du temps. Et qui, finalement, bouffent tout notre temps. Et notre attention ratatinante.

Accro pas à peu près le chroniqueur. Comme vous aussi probablement. Ou pas. Mais fort possiblement, sinon probablement. Comme la plupart d’entre nous je crois bien pouvoir affirmer sans trop me tromper, en particulier si vous me lisez ici et si vous surfez un réseau ou deux. Comme la grande majorité des ados qui vivent la tête dans l’cloud.

En notre époque branchée sans fil, pas évident de ne pas devoir avoir recours aux diverses machines censées nous rendre plus libres. Parfois, la disparition des fils nous attachent encore plus. Maîtres, maîtresses ou esclaves, la frontière est mince.

Je réalise qu’on a beau méditer depuis des années, et penser se connaître, la techno a saboté notre capacité d’attention, comme notre capacité d’introspection. Nous sommes pour la plupart devenu(e)s des extrospecteur/trices, des explorateurs/trices du cyber espace. Perdus dans l’espace. Soyez les bienvenus (clin d’oeil pour les plus vieux/vieilles)

Ce qui nous a amené(e) à vivre de plus en plus dans nos têtes. Souvent au détriment de notre capacité à se sentir soi-même, dans tout son corps, à regarder en soi, et à apprécier le silence et à sentir nos pieds au sol, notre lien à la terre. Nous sommes devenu(e)s la matière à marchander, la viande du meat market numérique. Comme on dit, si c’est gratuit, en fait si ça semble gratuit. c’est probablement que nous sommes la marchandise, le produit à processer.

Quand on entreprend un processus d’examen de nos habitudes numériques, et qu’on se met le nez dedans, on a toujours un choc. Depuis des années, je me coupe de FB l’été pour un certain moment, saison idéale pour faire autre chose que de renifler son écran et tapoter son clavier. Pas trop difficile quand la décision est claire et planifiée. Même si les premiers jours sont parfois inconfortables, on finit par s’habituer et à faire autre chose.

Faire est le terme primordial qui ressort de mon plus récent petit voyage au pays de mes habitudes technologiques. Car si et quand je reste assis à mes machines, collé à ma chaise, je ne fais plus rien d’autre. Je tape, je scrolle, je lis, me divertis, mais jamais pour très longtemps à la fois. Notre capacité d’attention est devenue un champs de mine, quelques secondes puis on va voir ailleurs. Qui réduit toujours de plus en plus.

C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à entreprendre ce défi: j’ai réalisé la semaine dernière que je ne suis plus capable de lire un long texte d’une traite, moi qui s’en est tapé des centaines sinon des milliers il y a une vingtaine d’années dans la rédaction de ma thèse de doc. Et qui a lu des milliers de vrais livres en papier.

Désormais, arrêts multiples et plus capable de m’empêcher d’aller vérifier si j’ai reçu des messages. Jadis Sylvain Lelièvre chantait : ma journée peut pas commencer tant que l’facteur est pas passé. Désormais, le facteur vit dans nos écrans, pour le meilleur, mais souvent pour le pire. Et le facteur est toujours susceptible de sonner. Et de résonner.

J’ai enseigné en ligne pendant des années. J’ai arrêté car je n’en pouvais plus. Et depuis quelques années, je médite en ligne, mon activité préférée en ligne étant justement de ne pas parler en compagnie de mes ami(e)s virtuel(le)s et bien réel(le)s. Ce qui constitue d’ailleurs un excellent antidote à l’éparpillement virtuel et un riche exercice à l’observation de soi. Respirer. Tout simplement.

Cette citation de Tolle constitue mon mantra du moment.

Rappelle-toi: tu ne t’en va pas nulle part.
Toujours moi devant l’écran, sur la chaise, qui regarde l’infini défiler et qui, souvent, s’oublie lui-même. Rappelle-toi. Va voir ailleurs alors. Dans le vrai monde.

Tout va et vient.
Sans cesse, de la nouvelle information, de la data nouvelle apparaît et disparaît. N’oublie pas ce qui regarde en toi. Et sens tes pieds fouler le sol. Ramène ta tête dans ton coeur, ton coeur au ventre, et tes pieds sur terre.

Mais tu n’es pas ce mouvement.
Tu n’es pas l’infini contenu de l’écran défilant, tu es l’observateur/trice qui s’observe lui et elle même observant.

Tu es l’espace silencieux dans lequel tout mouvement se produit.
Et tout ce que tu vois est perçu par une présence consciente et neutre, qui ne juge pas, qui n’accroche sur rien d’autre que l’infinie présence qui observe, le flot. Et l’observé, et l’observateur/trice, et l’observation.

Il n’y a pas de fin à ce que nos écrans nous présentent, affichent et font dérouler sans cesse devant nos yeux, et le reste. On n’a plus besoin d’aller nulle part, désormais le monde vient à nous sans cesse, une capture d’écran à la fois. Truffé de stimuli pour tenter de nous harponner, de nous accrocher. Comme dans accro. Le but du capitalisme est justement de nous rendre accros, de nous séduire, de nous amener à faire défiler sans arrêt, et ultimement à cliquer pour acheter.

On ne pourra probablement plus vivre sans la techno désormais, il nous reste donc à apprendre à l’utiliser sans qu’elle nous utilise, à en devenir maîtres et maîtresses plutôt qu’esclaves. Beau défi.

Pour le moment, je m’évade et je pars marcher dans le désert. Naturel comme numérique.

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