
Ces mots d’Etty Hillesum peuvent être difficiles à accepter pour certain(e) qui se croient sans faille et sans reproche mais ils sont très justes à mon humble avis.
Nous portons tous et toutes une part de saloperie en soi.
Plutôt que de regarder cette saloperie en soi, on préfère souvent regarder les travers du pire que nous à l’extérieur de soi, comme ça, on évite d’investiguer ses propres zones d’ombre.
Mais qu’entend-on par saloperie me direz-vous ? Voici que le Larousse en ligne en dit:
• Matière sale, saleté.
• Microbe, germe d’une maladie grave.
• Propos, acte obscène.
• Action méprisable, basse, dégradante.
• Chose, objet sans valeur ; marchandise ou aliment de mauvaise qualité.
Évidemment que ce registre peut varier, au mieux ou au pire, à la hausse ou à la baisse. Mais qui n’a jamais entretenue de pensées négatives envers autrui, été envieux ou tricher un peu sur les bords ?
Par exemple, qui n’a jamais tenté de souffler sur la chandelle d’autrui (en parlant en mal) pour donner de l’éclat à la sienne ? Pour se justifier et se glorifier ? Quand on se compare (habituellement à pire que soi) on se console.

Mais plutôt que saloperie, terme qui risque de rebuter quand on doit l’appliquer à soi-même, d’après moi, on pourrait remplacer ce terme par les expressions inconscience ou ombre.
Car quiconque commet une ou des saloperie(s) – petite ou grande – le fait inévitablement à partir d’une certaine part d’inconscience en soi, avec une part d’ombre certaine en lui/elle qui demande d’être éclairée par son acting out, incluant les troubles mentaux, les manques de jugement – qu’est-ce que ça veut dire ? – la médisance, l’avarice (peur maladive d’en manquer ?) ou tout autre acte criminel ou d’incivilité, et on sait que la liste est grande et quasi-illimitée.
Jamais facile de voir ses côtés plus sombres, ses propres zones d’ombre, ses petits et grand démons intérieurs. Toujours plus confortable de regarder en dehors de soi que de tourner son regard vers soi.
Mais on dit que tout ce que l’on voit et perçoit à l’extérieur de soi doit inévitablement exister en soi pour qu’on puisse le voir et le reconnaître en dehors. À l’image des autochtones d’Amérique du Sud qui, selon la légende, n’auraient jamais vu arriver les grands bateaux des colonisateurs européens car ils n’avaient jamais vu auparavant de telles embarcations, puisque cela n’existait pas dans leur monde.
Ainsi, pour changer le monde, inévitable de commencer par soi. Le monde est trop vaste pour qu’on puisse le remettre en ordre.
Extirper cette pourriture n’a pas besoin d’être répugnant, cela peut simplement signifier mettre de la lumière sur ses propres parts d’ombre, apporter à la conscience ce qui, du plus profond de soi, demande d’être observé, vu, investigué.
Sans forcer, sans brusquer car la vie a cette intelligence de permettre à tout ce qui doit être vu d’éventuellement être manifesté. Pour ça que parfois, ces parties de nous doivent être agies sur la scène publique, extériorisées par ce que l’on nomme des actes manqués, et ainsi être déposées hors de soi pour mieux les voir et les reconnaître. Nos yeux sont faits pour voir en dehors. Et le regard des autres peut aussi nous aider à mieux nous voir nous-mêmes.
Alors, changer en soi ce qui a besoin d’être changé à l’extérieur. Utiliser ce que l’on considère comme inadéquat sur la place publique (et les médias font très bien cela) comme indicateur de ce qui vit en soi, ce qui mérite attention.
Évidemment toujours plus facile de regarder dehors et de juger autrui. Mais plutôt infructueux, et inefficace, car le dehors ne parle que la plupart du temps du dedans. On voit ce que l’on est capable de voir, et on aime regarder ailleurs, ça évite les remises en question.
Bonne plongée.