
– David Suzuki
C’est la journée de la vérité et de la réconciliation aujourd’hui au pays. Pensées vers les peuples premiers. Et respect pour la terre, leur terre, notre terre commune.
Espérons que vérité et réconciliation, deux valeurs fondamentales, puissent éventuellement devenir réalité et s’incarner au plus profond du coeur des gens de bonne et de moins bonne volonté.
Car bien du mal a été fait ici, comme en de nombreux autres endroits du globe. En Israël un certain 7 octobre il y a presque 2 ans, comme à Gaza en ce moment même, et depuis des mois, sinon des années et des décennies. Et ailleurs, en de nombreux ailleurs sur terre. Ces malheurs et ces drames, nous les portons tous et toutes en nos coeurs. Car un seul coeur qui regroupe tous les coeurs du monde. Un seul rythme, une seule humanité.
L’histoire humaine en est une de guerre et de conflits davantage que de paix. Mais ne dit-on pas tomber 7 fois et se relever 8 ? Alors on continue, surtout que nous l’avons plutôt facile nous ici.
La paix est une cible qui paraît bien difficile, voir quasi impossible, à atteindre. Mais j’imagine que l’on doit garder espoir, même lorsque cet espoir vacille car la vie nous est encore prêtée. Et la paix est possiblement davantage un processus qu’un objectif. Alors on continue de continuer, en n’oubliant personne.
Autant ici au Canada qu’au Moyen-Orient, la terre est tachée de sang. Comme les coeurs et une partie de nos âmes. Alors pardon aux gens qui ont été blessés, par nous comme par nos ancêtres.
Ici, au Canada, on aime parfois rappeler que nous sommes sur des territoires autochtones non cédés, en ne faisant toutefois rien de concret pour reconnaître cette injustice ancestrale. En fait, c’est comme avouer que nos ancêtres ont volé les terres des premiers peuples et les ont abuser, mais qu’on ne les remettra pas ces terres, ni ne feront rien pour les dédommager. Étrange reconnaissance emplie de mots vides.
Toutes les guerres sont personnelles. Tout conflit implique des gens, des personnes, des humain.e.s, des pères et des mères, des fils et des filles, des amitiés et des amours. Et toute vie humaine ne peut qu’être incarnée. Toutes les guerres ont et sont des histoires, toutes les vies des défis.
Ce matin c’est en pensant à tous ceux et toutes celles qui souffrent, en particulier aux enfants du monde que j’écris ces quelques mots. En les portant en mon coeur, en les manifestant du bout des doigts.
Si vous voulez ressentir un peu le quotidien de la situation infernale à Gaza, je vous recommande l’hyper touchant reportage d’Émilie Dubreuil qui a maintenu un contact direct avec deux jeunes mères de Gaza.
https://ici.radio-canada.ca/recit-numerique/14063/lettres-gaza-journal-hala-aya-serie-dubreuil

En lien avec le volet autochtone d’ici, je me promet de regarder le documentaire au sujet de Florent Vollant, qui a vécu le déracinement et les pensionnats. Pour me rappeler de ce que l’on porte, pour me souvenir comme l’affirme affrontément nos plaques d’immatriculation.
Et ci-bas, le témoignage d’une médecin, porteur d’espoir dans le contact d’humain.e à humain.e.
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Je connais la pression exacte qu’il faut pour casser une côte en réanimation cardio-pulmonaire.
Mais mardi dernier, j’ai appris que le silence d’un patient peut briser l’âme d’un médecin.
Il s’appelait David Chen, mais sur mon écran, il était « Homme, 82 ans, Insuffisance cardiaque congestive, Chambre 402 ».
J’ai passé sept minutes avec lui ce matin-là.
Sept minutes pour vérifier ses constantes, écouter le liquide dans ses poumons, ajuster ses diurétiques et saisir les 24 données requises dans son Dossier Médical Informatisé.
Il a essayé de me dire quelque chose en désignant une photo décolorée sur sa table de nuit.
J’ai hoché la tête, dit « On se parle plus tard », et je suis passé à autre chose.
Il n’y avait pas de code de facturation pour « On se parle plus tard ».
M. Chen est décédé cet après-midi-là.
Alors qu’une infirmière débarrassait discrètement ses affaires, elle m’a tendu la photo.
C’était lui, jeune homme, rayonnant, le bras autour d’une femme, debout devant une petite épicerie avec « MARCHÉ CHEN » peint sur la vitrine.
Cette prise de conscience m’a fait l’effet d’un coup de massue.
Je connaissais sa fraction d’éjection et son taux de créatinine.
Je connaissais son assurance et son allergie à la pénicilline.
Mais j’ignorais le nom de sa femme, ni qu’il avait bâti sa vie de ses propres mains, de toutes pièces.
Je n’avais pas soigné David Chen.
J’avais géré le déclin d’un système organique défaillant.
Et dans cette efficacité stérile, j’avais perdu une part de moi-même.
Le lendemain, j’ai acheté un petit carnet Moleskine noir.
J’ai eu l’impression de me rebeller.
Ma première patiente était Eleanor Gable, une femme fragile, perdue dans un océan de draps blancs, diagnostiquée d’une pneumonie.
J’ai fait mon examen, mis à jour son dossier, et juste au moment de partir, je me suis arrêté. Je me suis retourné.
« Madame Gable », ai-je dit d’une voix étrange. « Dites-moi une chose sur vous qui ne figure pas dans ce dossier.»
Ses yeux fatigués s’écarquillèrent de surprise.
Un léger sourire effleura ses lèvres. « J’étais institutrice en CE1 », murmura-t-elle.
« Le plus beau son du monde… c’est le silence qui vient juste après qu’un enfant ait enfin lu une phrase tout seul. »
Je l’ai noté dans mon carnet. Eleanor Gable : Elle apprenait à lire aux enfants.
J’ai continué. Mon petit carnet noir a commencé à se remplir de fantômes de vies vécues.
Frank Miller : Il a conduit un taxi jaune à New York pendant 40 ans.
Maria Flores : Sa recette moelleuse lui a valu la foire d’État du Texas, trois années de suite.
Sam Jones : Il a demandé sa femme en mariage sur la Kiss Cam lors d’un match des Dodgers.
Quelque chose a commencé à changer.
L’épuisement, cette lourde cape grise que je portais depuis des années, commençait à s’atténuer.
Avant d’entrer dans une pièce, je jetais un coup d’œil à mon carnet.
Je n’entrais pas pour voir la « pancréatite aiguë du 207 ».
J’entrais pour voir Frank, qui avait probablement un million d’histoires à raconter sur la ville. Mes patients le ressentaient aussi.
Ils se redressaient un peu.
Une lueur vacillait à nouveau dans leurs yeux.
Ils se sentaient vus.
Le véritable test arriva avec Léo.
Il avait 22 ans, était en colère et refusait la dialyse pour une maladie qu’il s’était causée. C’était un « patient difficile », une étiquette qui, en jargon hospitalier, signifie « on a abandonné ».
L’équipe était frustrée.
Je suis entrée dans sa chambre et je me suis assise, laissant ma tablette dehors.
Nous sommes restées assis en silence pendant une minute entière.
Je n’ai pas regardé ses écrans. J’ai regardé les dessins complexes qui couvraient ses bras.
« Qui est votre dessinateur ? » ai-je demandé.
Il a ricané.
« Je les ai faits moi-même. »
« Ils sont bons », ai-je dit. « Celui-ci… on dirait un plan. »
Pour la première fois, son regard perdit son acuité.
« Il voulait être architecte », a-t-il murmuré, « avant… tout ça. »
Nous avons parlé pendant vingt minutes de bâtiments, de lignes, de création de quelque chose de permanent.
Nous n’avons pas mentionné une seule fois ses reins.
Quand je me suis levé pour partir, il a dit, si doucement que j’ai failli le manquer :
«D’accord. On peut essayer la dialyse demain. »
Plus tard dans la soirée, j’ai ouvert mon Moleskine.
J’ai écrit : Leo Vance : Dessine des villes sur papier.
Le système avec lequel je travaille est conçu pour documenter les maladies avec des milliers de points de données.
Il enregistre chaque toux, chaque comprimé, chaque analyse de laboratoire.
Il raconte comment un corps se décompose.
Mon petit carnet noir raconte une autre histoire.
Il raconte pourquoi une vie comptait.
On nous apprend à pratiquer la médecine avec des données, mais nous guérissons avec humanité.
Et dans un monde submergé d’informations, une simple phrase qui dit : « Je te vois » n’est pas qu’un geste gentil.
C’est le médicament le plus puissant dont nous disposons.
– de source inconnue, via James Mike

Quel beau témoignage de ce md .
J’en avais des frissons en le lisant.
J’aurais bien aimé en rencontrer un dans ma pratique de 40 ans.
Merci.
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