SIOUX HOMME AUX CHATS ET À LA FIANCÉE

Il pensait à l’intérieur des autres, et les autres pensaient en lui.
Au fond, c’est cela, l’ultime dessein de l’écriture – l’idéal vers lequel je tends : penser et ressentir en l’autre, comme d’autres – écrivains ou non – ont pensé et ressenti en moi.
– Annie Ernaux, L’écriture comme un couteau

La mémoire étant une faculté qui arrive à s’oublier elle-même, je ne me souviens pas en détails de Foglia et de ses mots. Mais je me souviens du mood quand on le lisait. Et probablement que si j’écris depuis une 14-15 zaine d’années, c’est à cause de lui. Oui, à cause de plutôt que grâce à lui. J’imagine que lui faisait ça aussi, twister des expressions, ou il aurait pu le faire ce cher fier Pierre. Car de toute façon, il a fait bien pire, et il nous a fait rire. Comme il nous a brassé.s les mots et les idées.

J’ai lu que plusieurs plumes ont été inspirées par son style sans style jadis et depuis lui. Désormais quelques jeunes claviers se sentent encore poids plumes devant son style, devant ses mots. Oui, jadis, dans le temps du Foglia, nous étions plumés et chatouillions à la main le papier, mais de nos jours nous tapons. Mais lui était unique. Et pas surprenant qu’il ait commencé comme typographe ce drôle de type et homme de lettres.

Foglia écrivait tout petit la vie, mais ses mots résonnaient en grand, comme des géants dans nos têtes. Résonnance de sens, et de reliance. Si on le lisait sur papier qui nous tachait les doigts, ses mots touchaient aussi notre coeur qui souriait, comme tous nos sens, de l’humour, de la provocation à la surprise. Comme notre sens de l’amour de l’humain. Il parlait de tout et de rien mais disait tout en parlant de rien.

Peut-être que c’est à cause du papier qui transmettait mieux le sens de ses mots ? Tac tac tac. Et tabarnak, car ses mots étaient sacrés et lui osait le faire. On les sentait de nos doigts ses mots dits, et cris silencieux dans leur écrin de pâte à papier. Il écrivait baveux un peu Foglia, mais toujours juste. Juste assez et parfois too much. Mais jamais de trop.

Quand on le lisait, on le sentait nous écrire personnellement à la main comme au coeur, et jusque dans la face. Jusqu’au cul aussi parfois qu’il nous bottait un peu à l’occasion. On le sentait écrire à personne en général comme à tout le monde en particulier, comme s’il voulait nous baver un peu, et nous braver beaucoup. Il écrivait frondeur, jamais de peur. Je ne sais pas pour lui mais ses idées étaient braves en mots dits.

Quand on le lisait, on le sentait, il était ici avec nous, et nous dans le journal avec lui, et c’était comme s’il nous sentait lui aussi. Ou se crissait-il de nous ? Il savait quoi écrire pour entrer en nous, pour nous toucher le feu au cul et au coeur et nous déranger un peu. Ou nous arranguer le portrait. En fait, ses mots sentaient la vie, ses mots chantaient l’envie, de vivre comme de nous faire sentir vivant.e.s et de nous faire voir les ptits détails de la vie. Il disait, telles quelles, les choses ordinaires de la vie, de façon extra ordinaire. Telles qu’il le voyait, sentait, chantait. Extraordinaire le Pierre.

Foglia écrivait la petite vie d’une façon grandiose et pour ça, oser, on peut dire qu’il osait oser. Il écrivait un peu fleur rose, mais aussi noir rock n roll. Il était drôle mais il était aussi roc. Ses mots nous faisaient sourire et parfois maudire, sinon mauvir pour les plus prudes du verbe de la chair et de la sainte taxe.

Je suis certain que Foglia a eu un troupeau de chroniqueurs wannabe freestyle à sa suite. Moi le premier, et je ne suis sûrement pas le premier. Ni le dernier car on sait bien où finissent les premiers. Nous sommes plusieurs à nous essayer depuis lui. Non pas de le copier, inimitable il est, mais d’écrire aussi unique que lui en tentant de toucher les gens par des mots, petits ou gros, des mots de l’intérieur. Car lui écrivait de l’intérieur, littéralement car à ce qu’on dit il le faisait plus souvent de et à la maison qu’au bureau. Mais, surtout, intérieurement en partant de lui, en parlant de lui. De lui, par lui, vers le monde entier. Définitivement, l’universel et personnel.

Car nous sommes le monde, chacun chacune de nous, un petit univers qui tente de rejoindre l’autre du mieux possible, de rejoindre les autres le plus sincèrement possible. Même ceux qui ne s’en souviennent pas, qui ne s’en souviennent plus. Par la musique, par les mots ou par notre être entier. Moi et l’autre.

Certain.e.s écrivent pour crier doucement, ou durement, d’autres pour se livrer, d’autres encore pour se délivrer. Du mal comme du bien. Comme aurait pu dire ce diable de chroniqueur, si tu fais le mal, fais-le bien.

Il aura été une inspiration, un souffle d’authenticité dans le journal de la vie, une volée de vérité impolie mais si jolie dans un grand journal populaire de mouréal. Et si c’était écrit – par lui – dans le journal, ça devait être vrai. Ou pas. Mais pour de vrai qu’il écrivait. Par ses mots qu’il touchait. Il torchait comme diraient les jeunes d’aujourd’hui.

Avec lui meurt une époque, mais lui survit tout une tribu de tribuns, et de tites brunes. Des joueurs et joueuses de mots, et de tour, de France, comme les cerises de jadis. Il écrivait depuis tout le tour de la terre, mais surtout à partir de lui, où qu’il soit. Il jouait avec les mots, les tissait, les vissait dans nos têtes que parfois il dévissait. Il brassait nos idées préconçues, pour ne pas dire nous les décrissait. Je n’ai presque pas oser le dire mais lui l’aurait fait sans scrupules.

Foglia écrivait doux, comme en ptit rough and tough. Mais toujours il écrivait vrai. Il nous faisaient sentir intelligent.e.s, capable de le prendre. Ou pas, et de l’ignorer. Et il s’en crissait probablement. il écrivait tout d’abord pour lui, et ensuite pour nous. Ou l’inverse. Ou pas. Et un peu probablement pour payer le loyer aussi. Mais jamais il n’essayait de plaire. Sous ses mots, le papier était hot. Et beau.

Merci Foglia. Ils et elles devaient être peu nombreux à t’appeler Pierre. À part tes chats et ta fiancée. Et quelques collègues. Car tu t’es fait un nom et désormais tu l’emporteras au paradis. Ou ailleurs.

Salut vieux bougre de chroniqueur sympathique. Pensées de coeur vers tes proches.

Une réflexion au sujet de « SIOUX HOMME AUX CHATS ET À LA FIANCÉE »

Répondre à Prashanti Annuler la réponse.