AHO LÀ-HAUT ICI-BAS

Dans les dernières semaines, quelques ami(e)s ont quitté leur corps. Oui ils sont morts, et, elle, morte. Cette semaine, j’ai même pris part à mon premier rite funéraire en ligne en lien avec la Hollande. Étonnamment touchant, même si en ligne. Digne ligne sans fil d’or.

Et hier, de façon surprenante, j’ai reçu le coup de massue du départ de mes ami.e.s. Hier, la mort m’a rentré dedans. Souvent après coup que ça passe l’intégration des départs de nos vies. Car on a beau comprendre la mort, parfois on la ressent. Même celles des autres. Car qu’une seule mort au fond.

Si vous n’êtes pas conscient de la mort, quelles que soient les pratiques du Dharma que vous entreprendrez, elles ne seront que superficielles.
~ Milarepa via Erik Jensen

Quand un ou une ami.e quitte ce monde, c’est une – autre – petite part de nous qui quitte aussi avec eux à chaque fois. Les souvenirs que l’on a conservé des expériences que l’on a vécues ensemble, les ptits bouts de mémoire vive – de mémoire vie – qui sont restés gravés dans notre corps comme dans notre mémoire s’allègent et prennent de l’altitude. Et en même temps, deviennent plus réels.

Au fil des années, avec les gens qui quittent les un.e.s après les autres, de plus en plus nombreux à mesure que les années s’accumulent en corps, l’apprentissage de la mort fait tout doucement son chemin, elle s’apprivoise et se loge en nous tout doucement, ou parfois durement.

Au fut et à mesure que les gens quittent autour de nous, la mort s’éveille en nous, elle nous parle de plus près, elle devient de plus en plus réelle et nous révèle ses secrets plus intimes. Nos proches qui meurent nous apprennent à réaliser la mort, à la rendre plus réelle, plus concrète. La mort est une suite de petites morts. La vie aussi d’ailleurs.

Même si nous n’avons pas encore connu la mort personnellement, même si nous ne la vivrons jamais vraiment tant qu’on ne passera pas de l’autre bord, quand on quittera soi-même le corps qui, pensait-on, nous appartenait mais qui n’était qu’en location, avec le temps, la mort commence à nous faire des coucous de plus en plus pressants. La mort devient plus réelle par répétition. Elle commence à chuchoter de moins en moins subtilement au fur et à mesure qu’elle nous entoure, elle se met à parler de plus en plus clairement, et même à s’adresser directement à nous parfois. Comme elle l’a fait hier pour moi.

Car on vit encore beaucoup d’espoir, on vit de projets à venir, de choses à réaliser, de plus tard vers lesquels se diriger. On vit encore beaucoup par en avant. Pour la plupart d’entre nous, on vit encore toujours un peu pour plus tard. Moi en tous cas. On se dirige toujours vers quelque part. Ailleurs, plus tard, et, souvent, plus beau.

Même si l’on pense que l’on vit un jour à la fois, souvent, le matin, on pense déjà au soir, ou au passé. Ah les mots. Le switch au vrai moment présent prend du temps, toute une vie. Et la mort nous aide à apprendre cela. Car la mort nous enseigne que tout est temporaire et impermanent, et que le présent est fugitif, furtif, évasif. Le temps file, avec nous dedans. Le temps court vers la ligne d’arrivée, en quête de l’ultime repos.

Mais cette leçon de vie, la mort, à chaque fois qu’elle se manifeste plus concrètement par le départ de l’un.e des nôtres, ne peut que s’incarner e nous, y descendre, s’y incruster, en tuant les faux rêves, comme montrant l’illusion de la procrastination. La mort nous ramène toujours au vrai, au présent; la mort est réel un cadeau.

Et la mort appelle la foi, la vraie, celle du bout de la vie, celle-ci du moins, cette graine de vie qui fut déposée et plantée dans notre corps à la conception et qui nous demande de vivre pleinement pendant qu’on le peut.

Pour continuer de porter la flamme.

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