PETIT RIEN EN REDEVENIR

Demeure simplement au centre de l’observation. Et ensuite oublies que tu étais là.
– Lao Tsu

Observer le monde et oublier qu’on est là. Quelle belle réalisation. Un bien beau but dans la vie.

Car nous ne sommes pas vraiment là, qu’ici. Et si peu vraiment. Qu’une vague présence.

Simplement laisser les choses être, telles qu’elles sont, sans intervenir, sans interférer. Observer le monde sans le juger, sans choisir de bord, sans mordre dedans, sans s’y laisser engouffré.e. Accepter tout, et douter de sa réelle présence.

On voit, on observe, on prend note, on ressent, témoin, sans s’y identifier, sans se laisser prendre.

Pour connaître, et re-connaître.

Devenir quelqu’un, ou quelque chose, est ce que l’on nous enseigne quand nous sommes encore tout petit.e.s. On dit d’ailleurs que la première moitié de la vie consiste à se forger un ego, à se bâtir une personnalité, pour pouvoir vivre dans le monde.

Alors que la deuxième servirait à les déconstruire, à revenir au vide que nous étions à la naissance, à la présence pure au moment de l’incarnation, et possiblement ce que nous redeviendrons au lorsque nous quitterons ce char usagé.

Quelques ami.e.s sont parti.e.s récemment, ils ont quitté leur corps, leur appareil, retourné.e.s d’où ils et elles sont venu.e.s. Là d’où nous venons aussi, là où nous retournerons nous aussi éventuellement.

Sont-ils encore quelqu’un ou quelque chose ? Ou sont-ils et elles redevenu.e.s rien de nouveau ? À suivre et à survivre. Mais chaque fois qu’un.e vieil.le ami.e quitte, c’est un peu de nous qui part aussi aussi avec eux et elles. Un ptit bout de nous.

D’ici là, on continue d’observer, et de travailler à ne devenir rien, pour le bien du plus grand nombre. Car au bout du compte, peu importe ce que l’on veut bâtir, devenir ou créer, poussière poussière, tout redeviendra poussière. Et la vie, elle, une grande aspiration.

Ci-bas, quelques perles de sagesse, glanées ici, et là.

Merci.

De rien.

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Alors que tout le monde essaie d’être quelque chose, ne sois rien.
Fais un avec le vide.

– Shams Tabrizi

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L’espace est qualifié de vide, sans fondement de définition.
Ainsi, la nature propre de l’esprit est et a été, depuis le tout début, semblable à celle de l’espace.
Mais sa nature exacte ne peut être verbalisée.
De même, l’esprit est qualifié de lumineux, mais sa nature exacte est vide,
~ S
araha

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La vie des grands pratiquants démontre à maintes reprises que pour maintenir la pratique du Dharma, il n’est pas nécessaire de renoncer au monde.

Il n’est pas non plus nécessaire de renoncer au Dharma pour rester impliqué dans les activités du monde.
Il est possible d’intégrer les deux choses en une seule vie.
Progressivement, de nouvelles priorités et un équilibre nécessaire apparaissent.
Au cours de ma vie, j’ai vu quatre personnes atteindre le corps arc-en-ciel au moment de leur mort ; elles ne vivaient pas dans des monastères, mais avec leur famille.
À vingt-deux ans, j’ai vu un homme atteindre le corps arc-en-ciel, et la plupart des gens ignoraient même qu’il maintenait une pratique spirituelle.
Nul besoin d’apparence extérieure pour réussir sur la voie spirituelle.
Ce n’est pas le corps que nous modifions pour atteindre l’éveil, mais l’esprit.
Vous pouvez adopter un mode de vie d’ermite, abandonner vos préoccupations concernant la nourriture, les vêtements, la richesse, les amis, la famille, le foyer, et vous installer sur une montagne en vous consacrant entièrement à la méditation.
C’est une voie parfaitement valable.
Dans le Vajrayana, cependant, il existe une autre voie.

Votre vie extérieure se poursuit normalement.
Vous ne quittez pas votre foyer, ne renoncez à rien, mais ne vous écartez jamais de la vertu, du Dharma, de l’intention d’apporter des bienfaits ou de la sagesse.
~ Chagdud Tulku Rinpoché

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Voilà ce que le pratiquant du Dharma doit comprendre : le samsara, ou nirvana, tout entier, est aussi dénué d’essence ou de vérité qu’un film.
Tant que nous n’aurons pas compris cela, il sera très difficile au Dharma de pénétrer notre esprit.
Nous serons toujours emportés, séduits par la gloire et la beauté de ce monde, par tous les succès et échecs apparents.
Cependant, une fois que nous aurons compris, ne serait-ce qu’une seconde, que ces apparences ne sont pas réelles, nous gagnerons une certaine confiance.
Cela ne signifie pas que nous devions nous précipiter au Népal ou en Inde pour devenir moine ou nonne.
Nous pouvons conserver notre emploi, porter un costume-cravate et aller au bureau avec notre serviette tous les jours.
Nous pouvons encore tomber amoureux, offrir des fleurs à l’être aimé, échanger des alliances.
Mais quelque part au fond de nous, quelque chose nous dit que tout cela est dénué d’essence.
~ Dzongsar Khyentsé Rinpoché

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Je vais mourir, bientôt.
Tout traitement à visée curative est désormais sans objet.
Reste à raisonnablement atténuer les douleurs.
Or, je suis comme j’espérais être : d’une totale sérénité.
Je souris quand mes collègues médecins me demandent si la prescription d’un anxiolytique me soulagerait.
De rien, en fait, je ne ressens aucune anxiété.
Ni espoir – je ne fais toujours pas l’hypothèse du bon Dieu – ni angoisse.
Un certain soulagement plutôt.
Selon moi, limiter la vie au désir de ne pas mourir est absurde.
J’ai par exemple souvent écris que lorsque je ne marcherai plus, je serai mort.
Il y aura un petit décalage puisque je ne marche plus, mais il sera bref.
Alors, des pensées belles m’assaillent, celles de mes amours, de mes enfants, des miens, de mes amis, des fleurs et des levers de soleil cristallins.
Alors, épuisé, je suis bien.
Il a fallu pour cela que je réussisse à « faire mon devoir », à assurer le coup, à dédramatiser ma disparition.
À La Ligue, j’ai le sentiment d’avoir fait au mieux.
Mon travail de transmission m’a beaucoup occupé, aussi.
Je ne pouvais faire plus.
Je suis passé de la présidence d’un bureau national de La ligue le matin à la salle d’opération l’après-midi. Presque idéal.
Alors, souriant et apaisé, je vous dis au revoir, amis.

– Axel Kahn

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Comment se libérer des limitations conceptuelles
Comme des vagues, toutes les activités de cette vie se sont succédées sans fin, et pourtant, elles nous ont laissés les mains vides.
Des myriades de pensées ont traversé notre esprit, mais elles n’ont fait qu’accroître notre confusion et notre insatisfaction.
Normalement, nous fonctionnons avec l’idée erronée que tout possède une réalité véritable et substantielle.
Mais en y regardant de plus près, nous découvrons que le monde phénoménal est comme un arc-en-ciel : vif et coloré, mais sans existence tangible.
Lorsqu’un arc-en-ciel apparaît, nous voyons une multitude de belles couleurs.
Pourtant, un arc-en-ciel n’est pas un vêtement que nous pouvons porter, ni un ornement ; il apparaît simplement grâce à la conjonction de diverses conditions.
Les pensées surgissent dans l’esprit de la même manière.
Elles n’ont aucune réalité tangible ni existence intrinsèque.
Il n’y a donc aucune raison logique pour que les pensées aient autant de pouvoir sur nous, ni pour que nous en soyons esclaves.
L’esprit crée à la fois le samsara et le nirvana.
Pourtant, il n’a pas grand-chose à voir avec cela : ce ne sont que des pensées.
Une fois que nous reconnaissons que nos pensées sont vides, l’esprit n’a plus le pouvoir de nous tromper.
Mais tant que nous prenons nos pensées illusoires pour réelles, elles continueront de nous tourmenter sans pitié, comme elles l’ont fait au cours d’innombrables vies antérieures.
Pour maîtriser notre esprit, nous devons être vigilants et examiner constamment nos pensées, nos paroles et nos actions.
Pour couper court à l’attachement de l’esprit, il est important de comprendre que toute apparence est vaine, comme l’apparence de l’eau dans un mirage.
Les belles formes ne sont d’aucun secours pour l’esprit, et les formes laides ne peuvent en aucun cas lui nuire.
Brisez les liens de l’espoir et de la peur, de l’attraction et de la répulsion, et restez serein en comprenant que tous les phénomènes ne sont que des projections de votre propre esprit.
Comprendre que l’apparence et la vacuité ne font qu’un est ce qu’on appelle la simplicité, ou la libération des limitations conceptuelles.

Pratique

Les obstacles peuvent surgir de circonstances bonnes ou mauvaises, mais ils ne doivent jamais vous décourager ni vous dominer.
Soyez comme la terre, qui soutient tous les êtres vivants sans distinction, sans distinguer le bien du mal.
La terre est simplement là.
Votre pratique devrait être renforcée par les situations difficiles que vous rencontrez, tout comme un feu de joie emporté par un vent violent ne s’éteint pas, mais flamboie encore plus intensément.
Lorsque quelqu’un vous fait du mal, voyez-le comme un maître bienveillant vous montrant le chemin de la libération.
Priez pour pouvoir l’aider et ne jamais espérer de vengeance.
Regardez droit dans les yeux, et vous verrez que la personne blessée, celle qui fait du mal et le mal lui-même sont totalement dénués de toute réalité intrinsèque.
Face à ces apparences vides, y a-t-il quelque chose à perdre ou à gagner ?
Tout est comme un ciel vide.

Reconnaissez-le !
Tant que vous prêtez attention à votre haine et tentez de vaincre vos adversaires extérieurs, même si vous y parvenez, d’autres surgiront inévitablement à leur place.

Même si vous parveniez à dominer tout le monde, votre colère ne ferait que s’intensifier.
Le seul ennemi vraiment insupportable est la haine elle-même.
Pour vaincre l’ennemi de la haine, méditez avec concentration sur la patience et l’amour jusqu’à ce qu’ils prennent racine en vous.
Demandez-vous combien, parmi les milliards d’habitants de cette planète, ont la moindre idée de la rareté de la naissance humaine.

Combien de ceux qui comprennent la rareté de la naissance humaine songent à saisir cette chance pour pratiquer le dharma ?
Combien de ceux qui envisagent de pratiquer le font réellement ?
Combien de ceux qui commencent à persévérer ?
Combien de ceux qui persévèrent atteignent la réalisation ultime ?
En effet, ceux qui atteignent la réalisation ultime, comparés à ceux qui n’y parviennent pas, sont aussi peu nombreux que les étoiles que l’on voit à l’aube.
Tant que vous ne reconnaîtrez pas la véritable valeur de l’existence humaine, vous ne ferez que gâcher votre vie en activités futiles et en distractions. Lorsque la vie arrivera trop tôt à sa fin inévitable, vous n’aurez rien accompli de valable.

Mais une fois que vous aurez véritablement perçu l’opportunité unique que la vie humaine peut offrir, vous consacrerez assurément toute votre énergie à en récolter la véritable valeur en mettant le dharma en pratique.
~ Kyabjé Dilgo Khyentsé Rinpoché

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