MOURIR DE VIE

Je retarde la mort en vivant, en souffrant, en apprenant grâce aux erreurs, en risquant, en donnant et en perdant. – Anais Nin

L’autre jour, nous nous sommes réuni.e.s en ligne, quelques ami.e.s d’un ami commun qui a quitté son corps vendredi sur l’heure du midi grâce à l’aide médicale à mourir. Libération d’un corps de douleur et de souffrances depuis si longtemps.

Étrange comment le corps peut être autant un véhicule de liberté qu’une prison de chair de laquelle on en vient à vouloir s’évader.

Comme c’était prévu pour midi, mais que la vie est toujours une suite de petits ou plus grands délais d’innatendus, nous nous sommes recueilli.e.s de 11 h 45 à 12 h 35 en musique, en silence, avec quelques citations autour de la mort. Touchant moment.

Puis j’ai reçu ce message :

Touchant moment que cette veille à distance et en silence, et en même temps, moment questionnant, moment bouleversant, nowhere existentiel. Moment d’éternité vécu en totale synchronicité, avec une intention claire de connexion, de reliance mais sans contact direct aucun. Sans contact direct du moins, subtile connexion désincarnante mais liante par l’âme et le coeur. Vol ultime au-delà du dernier coucou.

De savoir qu’au même moment, en ce moment même, à distance mais en même temps sans temps ni distance aucune, le coeur de notre ami de battre s’est arrêté.

Et son âme ? Retournée à la source. Celle-ci qui ne quitte jamais mais qu’on oublie parfois.

La vie tient à tellement peu de choses, même pas à un fil finalement. Surtout en avril. Surtout depuis l’invention du wifi. La vie est totally free. Elle coule et d’elle tout découle. Même la mort.

En fait, la vie ne tient à rien et elle emporte tout. La grande job de la vie c’est justement d’apprendre à ne plus tenir à rien, et surtout rien pour acquis, et à embrasser tout. Jusqu’à ce que tout s’embrase et ne parte en fumée. Message enfumé.

Dire oui à Tout, tout ce qu’elle nous offre, apporte, prend et redonne. Ou pas. Oui à ce que l’on aime, et, surtout, apprendre à aimer tout ce que l’on n’aime pas à première vue. Transmutation, transformation.

D’être assis.e, en lien avec quelqu’un qui meurt, que ce soit en corps ou à plus grande distance, nous dévoile notre impuissance, comme notre impossibilité d’arrêter le cours de la vie, ce long flot fleuve plus ou moins tranquille. Qui finit toujours tranquillement pour ces petits corps, ou subitement et Pouf !

À l’usure, de guerre lasse, ou en résistant ardemment, on finit toujours par se rendre, à l’évidence, se rendre à la vie, et peut-être qu’on finit par comprendre, ou pas. Certain.e.s résistent jusqu’au bout les deux poings fermés, de peur ou de rage, le bout du rouleau ou du sablier, d’autres abandonnent, se donnent ou s’adonnent à autre chose.

Et comme Mme Nin, avant le sans fil d’arrivée, on retarde la mort en vivant, en souffrant,
en apprenant grâce aux erreurs, en risquant, en donnant et en perdant
.

En n’oubliant surtout pas de créer autant de beauté et de bonté qu’il est possible d’inviter car la vie c’est aussi simple que ça peut-être.

En se rappelant de ne pas oublier de prendre soin les un.e.s des autres, de s’aimer les un.e.s. les autres, surtout nos ami.e.s et nos proches de vie car la vie nous a déposés ensemble pour cette raison précise.

Au bout du conte, histoire d’amour, on disparaîtra, tout simplement. Le vie en nous s’éteindra et peut-être que notre mère divine nous étreindra alors dans ses bras d’or. Ou peut-être que ce sera ceux de Morphée qui nous accueilleront. Les bras doux du grand sommeil. Mystère.

Mais avant que la mort s’occupe de nous, avant qu’elle ne s’intéresse plus sérieusement de nous, petit moi en quête de quoi que ce soit, aimons de tout coeur et vivons de tout corps. Avec tous nos sens car là que se cache le sens de la vie, par là qu’elle passe.

Et contrairement aux smarties rouges, ne gardons rien pour la fin car très possible que ça ne finisse jamais, très possible que ça ne fasse que changer de forme. Et de couleur.

Keep the flame alive.

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Les murs des hôpitaux ont entendu plus de prières sincères que les églises…
Ils ont été témoins de bien plus de baisers sincères que ceux des aéroports…
C’est à l’hôpital que l’on voit un homophobe sauvé par un médecin gay.
Un médecin privilégié sauvant la vie d’un mendiant…
En soins intensifs, on voit un Juif prendre soin d’un raciste…
Un policier et un prisonnier dans la même chambre recevant les mêmes soins…
Un patient riche en attente d’une greffe de foie, prêt à recevoir l’organe d’un donneur pauvre…
C’est dans ces moments, lorsque l’hôpital touche les blessures des gens, que des mondes différents se croisent selon un dessein divin.

Et dans cette communion des destins, nous réalisons que seuls, nous ne sommes rien.
La vérité absolue des gens, la plupart du temps, ne se révèle que dans les moments de douleur ou sous la menace réelle d’une perte irréversible.
Un hôpital est un lieu où les êtres humains retirent leurs masques et se révèlent tels qu’ils sont vraiment, dans leur essence la plus pure.
Cette vie passera vite, alors ne la gaspillez pas à vous battre avec les gens.
Ne critiquez pas trop votre corps.
Ne vous plaignez pas excessivement.
Ne perdez pas le sommeil à cause des factures.
N’oubliez pas de serrer vos proches dans vos bras.
Ne vous souciez pas trop de garder la maison impeccable.
Les biens matériels doivent être gagnés par chacun ; ne vous consacrez pas à accumuler un héritage.
Vous attendez trop : Noël, vendredi, l’année prochaine, quand vous aurez de l’argent, quand l’amour arrivera, quand tout sera parfait…
Écoutez, la perfection n’existe pas.
Un être humain ne peut l’atteindre, car nous ne sommes tout simplement pas faits pour nous épanouir ici-bas.
Ici, nous avons l’occasion d’apprendre.
Alors, profitez au maximum de cette épreuve de la vie, et faites-le maintenant.
Respectez-vous, respectez les autres. Suivez votre propre chemin et abandonnez celui que les autres ont choisi pour vous.
Respect : ne commentez pas, ne jugez pas, n’intervenez pas.
Aimez davantage, pardonnez davantage, accueillez davantage, vivez plus intensément !
Et laissez le reste entre les mains du Créateur.
— Pape François

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