FLEUR DE JANVIER

J’ai officieusement pris ma retraite de l’enseignement en janvier 2020. La flamme vacillait, le feu mourrait. J’ai quitté avant l’extinction. J’avais quelques économies de ma job de prof avec lesquelles j’ai vécu depuis. Pas tant que ça, mais c’est déjà davantage que plusieurs personnes. Gratitude.

À tous les débuts janvier depuis, je vais voir mon conseiller financier pour retirer assez de bidous pour payer les dépenses courantes de l’année en cours. En soi, déjà un gros luxe. La base est couverte.

Hier matin, comme à tous les débuts janvier, j’y suis allé de nouveau. Mais c’était la dernière fois. Le bas de laine est vide. J’ai réussi à tricoter dans les mailles du système D pour me rendre à 65 ans, âge que j’atteindrai l’an prochain. Mon plan de carrière était de me rendre à ma pension. Mission accomplie. La première étape est complétée, l’an prochain, ce sera l’aide sociale destinée aux plus de 65 ans. Un autre privilège de vivre ici. Re gratitude. Si tout tient encore jusque là bien entendu. Que sera sera. Tralala.

Mais hier, cette réalisation m’a rentré dans le tableau de bord (all right, j’ai réussi à ne pas dire dash), oups !

Ça y est, je suis au seuil de la retraite officielle. Pas le premier ni le dernier, mais cette fois c’est moi. Moi qui se sent encore comme un kid de 12 ans, je commence néanmoins à sentir le poids du temps, à le voir, à réaliser que ça devient plus réel qu’avant. Acceptation. Même si cachées sous des numéros, les années s’insinuent. Plus jeune que d’autres et plus vieux que d’autres autres, j’ai l’âge que j’ai. Mais le mur de l’âge m’a frappé hier. The big 65 est à ma porte. Liberté 55 complétée.

On aime bien dire qu’on a pas d’âge, que l’âge n’a pas d’importance. Surtout quand on est plus jeune que vieux. S’il est vrai qu’on n’a pas d’âge, c’est faux aussi. Car on a beau de pas avoir d’âge, l’âge nous a quand même, l’âge nous tient. Lente et langoureuse réalisation. Et âge et sage, ça rime.

Notre corps nous parle. Toujours il nous chuchote, surtout quand on le chouchoute, alors faut qu’on l’écoute, et parfois, haut et fort, il nous le crie. Les ptits bobos commencent à apparaître, les rides nous rident et le temps passe parfois plus raidement qu’avant. Sacrament.

Hier, sans m’y attendre, j’ai vu le temps qui passe sur moi en pleine face et j’ai subitement eu un immense et soudain respect inconditionnel pour toutes les personnes plus vieilles que moi, sans exception. Tous ces gens qui ont vu plus de temps leur passer sur le corps et en esprit et passé devant les yeux. À tous ces gens qui respirent depuis plus longtemps que moi, chapeau et bravo. Aho !

Janvier a cette qualité de nous révéler le fin fond de nos pensées, et de nos sentiments, comme tous les ptits racoins cachés de notre corps et conscience. Cette période d’hibernation nous permet de toucher à quelques fonds de tiroirs oubliés en soi. Pas juste le fond de pension. On peut concevoir la retraite comme l’hiver de notre vie. Ou comme un pré printemps. Une pause avant un nouveau départ.

Malgré que je dise que je suis à la retraite, je ne suis pas du tout retraité ni retiré du monde pour autant, et ce, même si je vis relativement reclus. Je suis encore actif dans plusieurs projets qui me tiennent à coeur, mon corps est plutôt top shape malgré quelques ptites lumières qui flashent à l’occasion dans le tableau de bord. J’ai une belle voisine d’amour à mes côtés, sans oublier plusieurs bon.ne.s ami.e.s autour. Un homme riche quoi.

Mais je me rends compte que ce qui compte de plus en plus consiste simplement à me regarder vivre, à arrêter, à observer la lente vie. Surtout lente en janvier, qui compte 31 jours en plus. Et prendre le temps de ne plus attendre rien, prendre le temps de simplement apprendre la finesse de la vie, les plus petits détails.

Pour cela qu’en ce janvier de quart de 21ème siècle, je me suis autobooké 3 journées de méditation à résidence (voir affiche ci-bas).

Je ne veux pas me sauver dans un tout inclus au Sud, je veux simplement tout m’inclure ici dans le grand now. Investiguer les fins fonds de mon âme, comme les moins fins. Après avoir beaucoup bougé toute l’année durant, cet hiver j’ai simplement envie de rien, d’un temps d’arrêt. Full stop. Ou gros gros ralentissement du moins.

Ce rien qu’on essaie souvent de ne pas voir ni sentir, ce vide qu’on tente trop souvent d’emplir, et de remplir, de quoi ou même de n’importe quoi. Un luxe que d’arrêter ainsi. Et un défi aussi.

Cet hiver, juste envie de m’assoir et de regarder le feu brûler dans le poêle, observer le bois se consumer. Comme notre corps qui se donne au temps qui passe. Lentement, sûrement, parfois facilement, et de plus en plus mûrement.

Et si on observe bien, au coeur de l’hiver, il y a une fleur. Mais il faut regarder lentement, et avec soin, pour qu’elle se révèle.

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Le 31 décembre dernier, pour boucler l’année, nous avons pris une tranche de 12 heures pour se déposer chacun.e chez-soi, par le fil du sans fil. Sans caméra, seulement avec le son comme liant, cette structure – davantage une suggestion qu’une obligation – nous a permis de se déposer chacun.e en soi, chacun.e chez soi. Incroyable comment une seule journée dédiée à ne rien faire avec présence peut faire du bien à l’âme. Bienvenue si le coeur vous en dit.
atisupino@gmail.com pour info

3 réflexions au sujet de « FLEUR DE JANVIER »

  1. Avatar de RaviRavi

    Sacrament ça ment pas…. Bienvenue sur le chemin de la «retraite». Plus les années passent, les changements d’âge memon sonné, une cloche puis les cloches…. 65 ans, puis 70, 75, et maintenant chaque année de plus sur ce plan terrestre physique, me rappelle que le temps passe, que le temps presse de me rapprocher de l’essence-ciel. D’investir (il est + que temps), dans mon bien être physique, psychologique, spirituel, car je sens lentement mon corps se préparer au grand passage. Le moment présent devient urgent. J’oublie les projets à long terme, je sais qu’aujourd’hui je vis l’expérience d’être vivant. Ce changement de regard ne m’est pas facile pour avoir été hyperactif depuis 34 de siècle. Un autre deuil, un de +. Lâche pas mon frère, plus le temps passe plus il devient précieux de sagesse, de maturité, d’observateur du monde en marche. Et bonne année 2025

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  2. Avatar de PrashantiPrashanti

    OUI accueillir le temps qui nous passe sur le corps.

    On en prend soin du mieux qu’on peut. Parfois non et il nous rappelle que la douceur et la lenteur sont nos amies.

    Urgence de vivre quand tu nous tient

    Tik tak ! Go for it ! Realise it ! 💗

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