N’ÊTRE / BE DOUX BE D’AOÛT

Nous sommes des actifs. Certain(e)s hyper, d’autres super. Mais en ces temps branchés de partout, nous sommes tous des TDAH multitaskant, sautant d’une chose à l’autre, jumpant d’un stimuli à l’autre.

Nous faisons toujours quelque chose. En fait je parle surtout pour moi, mais comme j’écris surtout pour vous, je nous adresse la parole et je nous inclus tous sur le même radeau. Que ceux et celles qui ne veulent voguer se sacrent à l’eau. Allo.

Et si je regarde autour, comme pour moi, ça bouge pas mal tout le temps aussi, et partout. On s’active pour un tout ou pour un rien, on fait. On scroll en masse et compulsivement. La vie défile dans nos écrans. Notre journée est rarement complète et satisfaisante si on n’a pas accomplit quelque chose de concret.

En fait, nous sommes des fous et des folles du faire. Toujours le faire en l’air.

Et pourtant. Nous allons tous et toutes finir à l’arrêt, les pieds devant, la to do list incomplète. C’est le propre d’une to do list de ne jamais finir ni se terminer. Car par définition, une to do list n’est pas quelque chose que nous sommes censés compléter. On ne fait qu’y rajouter des choses à faire, qu’on classe par ordre de priorité. Une to do list est davantage une liste de rappel de choses à faire qu’une liste de choses à compléter. Car on n’aura jamais fini.

Comme disait Yogi Berra: ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini.

On pourrait dire qu’être n’est pas quelque chose de l’on peut faire. Peut-être. Il n’y a rien à faire pour être. Même respirer est facultatif, ça se fait tout seul.

Être, exister, vivre et survivre; quelques nuances de vie.

Peut-être que l’on si arrête de toujours faire quelque chose, ou si on fait moins, on va enfin être, ou être plus, être mieux. Tant qu’à être, apprenons à être doux avec soi, doux comme de la soie, soyons des êtres d’août en ce mois si doux, ce mois qui commence à ralentir. Quoi que pas pour les parents toutefois.

Arrêtons de faire pour apprendre à être. Mais arrêter de faire va peut-être signifier moins d’avoirs.

Les verbes êtres, faire et avoir entretiennent une drôle d’inter relation. Ils sont liés parfois, et parfois opposés. Parfois, plus on fait plus on a. d’autre fois, plus on fait moins on est. Mais parfois c’est en faisant qu’on se réalise. Mais d’autre fois, moins on fait et plus on peut être. Peut-être.

Certain(e)s veulent surtout être, d’autres surtout faire, et d’autres surtout avoir.

Mais de façon générale, nous accélérons, et nous avons de plus en plus de difficulté àne pas faire. Mais on n’en fera pas un drame m’sieurs dames.

Car même arrêter de faire c’est faire quelque chose. On doit arrêter. Pourtant, être ne requiert aucun effort, et pourtant. Pas si simple d’être plein et content – comme dans contentement, en ne faisant rien.

Comme s’il nous manque toujours quelque chose, comme s’il fallait toujours en faire un peu plus, acquérir davantage, être autre chose que nous sommes déjà. Le simple fait d’être est un accomplissement en soi.

Même dans nos vacances, plutôt que d’arrêter, on se dépêche de s’en aller ailleurs pour aller faire quelque chose, on va se faire voir ailleurs.

Si on pouvait seulement ré-apprendre à ne rien faire, ou désapprendre à toujours faire. Me semble que la vie serait plus simple. La beauté dans le fait de vieillir est qu’avec le temps qui passe avec nous dedans, on ré-apprend à n’être, qu’à être.

C’est ce que j’aime de la méditation. Méditer c’est l’absolu du rien faire. C’est simplement arrêter, fermer le yeux et ne rien faire d’utile. On ne médite surtout pas sur quoi que ce soit comme dans l’expression commune : je vais méditer là-dessus.

Méditer ça se passe dans l’arrière scène. À l’arrêt, au neutre, sur pause, on pèse sur la clutch. Le moteur du mental continue à rouler mais on ne fait qu’observer, on relaxe, on se dégage, on se désengage. On se rend disponible pour que la vie puisse nous remplir, pour que la vie nous comble de ce vide si plein, si doux, de ce grand rien du tout.

___
La paresse est une valeur humaine qui est en train de disparaître.
C’est fou ce qu’à notre époque les gens peuvent être actifs.
Que quelques amis se réunissent le dimanche pour un bon déjeuner, à peine la dernière bouchée avalée, il se trouve toujours quelqu’un pour demander : « alors.. ? qu’est ce qu’on fait ?… ».
Une espèce d’angoisse bouleverse ses traits, tant est grand son désir de faire quelque chose ; et il insiste : « qu’est ce qu’on fait ? – mais rien ! », ai-je toujours envie de répondre…
Pour l’amour de Dieu, ne faisons rien.
Restons un bon après-midi sans rien fiche du tout, ça ne suffit donc pas d’être avec de bons amis, de jouer à sentir cet invisible courant qui, dans le silence, règle les cœurs à la même cadence, de regarder le jour décroître sur les toits, sur la rivière, ou plus simplement sur le coin du trottoir ?
J’exagère sans doute.
C’est que j’aime tant la paresse, mais la vraie paresse, consciente, intégrale, que je voudrais bien lui trouver toutes les bonnes vertus.
Bien sûr, elle est comme toutes les bonnes choses, comme le vin, comme l’amour ; il faut la pratiquer avec modération. mais croyez-moi, la terre ne tournerait pas moins rond si ses habitants avaient le courage de se forcer chaque semaine à rester quelques heures bien tranquilles, sans occupation apparente, à guetter les signaux invisibles et puissants que vous adresse le monde vaste et généreux.

– Jean Renoir, 1937, via Chloé

2 réflexions au sujet de « N’ÊTRE / BE DOUX BE D’AOÛT »

  1. Avatar de RaviRavi

    et c’est dans mes espaces temps «n’ayant rien à faire» que j’enfonce le plus dans mes peurs de mourir, de devenir fou, et qu’une porte intérieure s’ouvre à mes ombres. Lentement j’apprends à apprivoiser le vol de l’aigle intérieur, regard puissant de mes abysses. Cadeau inestimable et oui très inconfortable

    Aimé par 1 personne

    Répondre

Répondre à Ravi Annuler la réponse.