MOTS DE SOIE À SOI

Ce n’est pas ce que vous dites au monde entier qui détermine votre vie, c’est ce que vous vous chuchotez à vous-même qui a le plus d’impact.

Écrire m’apporte beaucoup de bonheur, écrire me fait me sentir riche, de mots mais drôlement aussi, riche de silence. Car c’est entre les mots que se cache le silence. C’est entre les lignes qu’il faut lire la vie.

Comme c’est dans le vide, derrière les choses de la vie, qu’on apprend à vivre. On acquiert tant avec les pertes, avec les grands détachements, avec les abandons. Au début de la vie on doit devenir soi, puis, graduellement, on devient soie avec le temps qui nous passe dessus, nous affine et nous raffine.

Comme l’oignon qui perd ses couches, on se laisse éplucher par la vie, par les événements. Avec des rires et plusieurs larmes aussi. Sachant très bien qu’au centre du meilleur copain de l’ail se trouve rien, que rien ne s’y trouve. Mais on continue d’éplucher.

Pourquoi j’écris ? J’écris parce que j’aime. Écrire me fait me sentir riche.

Faire ce que vous aimez est la pierre angulaire pour avoir l’abondance dans votre vie.
– Wayne Dyer

Les mots sont généreux, les mots viennent toujours créer du silence entre eux et en moi. Quand les mots se tassent, ils font de la place, ils créent du lien. Comme du sens et du non-sens. J’aime autant écrire que de me taire. Le silence est le compagnon des mots. Pour écrire, il faut avant tout se taire, pour avoir quelque chose à dire.

On ne peut dire aux autres que ce que l’ont peut se dire à soi-même. Et encore. On ne parle toujours que de soi, on ne se parle toujours qu’à soi. Alors tout doux.

Je crois que l’on écrit parce que l’on doit se créer un monde dans lequel on puisse vivre. Je ne pouvais vivre dans aucun des mondes qui m‘étaient proposés.
– Anaïs Nin (1903-1977, Journal, février 1954). Citation complète ci-bas.

Écrire donc pour s’inventer un monde sur lequel on peut régner, un monde qu’on peut créer et recréer. Toujours les mêmes mots, que les agencements qui changent, que la danse qui tangue.

Se prendre pour le roi et la reine su royaume des mots. Ces mots que l’on sème à tous vents via nos écrans.

Le roi et la reine des mots, et du silence. Car les mots forcent le silence, les deux sont un couple inséparable. Ils dansent main dans la main. Les mots inspirent le silence. Pas nous qui menons les mots, plutôt eux qui mènent, eux qui m’aiment même.

Alors écrire sa vie en mots et savourer son existence en silence. Et entre les deux, le très soutenable chuchotement de l’être.

Aho les mots, hiha le silence.

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Pour pouvoir entendre l’appel de la beauté et y répondre, une condition sine qua non : le silence.
~ Thich Nhat Hanh

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À un ami écrivain qui demandait à Anaïs Nin :Pourquoi écrit-on ?elle lui écrit en réponse cette lettre, qu’elle recopie dans son Journal de février 1954 :

Pourquoi on écrit est une question à laquelle je peux répondre facilement, me l’étant si souvent posée à moi-même.

Je crois que l’on écrit parce que l’on doit se créer un monde dans lequel on puisse vivre.
Je ne pouvais vivre dans aucun des mondes qui m‘étaient proposés : le monde de mes parents, le monde de Henry Miller, le mode de Rango, ou le monde de la guerre.
J’ai dû créer un monde pour moi, comme un climat, un pays, une atmosphère, où je puisse respirer, régner et me récréer lorsque j’étais détruite par la vie.
Voilà, je crois, la raison, de tout œuvre d’art.
L’artiste est le seul qui sache que le monde est une création subjective, qu’il faut opérer un choix, une sélection des éléments.
C’est une concrétisation, une incarnation de son monde intérieur.
Et puis il espère y attirer d’autres êtres, il espère imposer cette vision particulière et la partager avec d’autres.
Même si la seconde étape n’est pas atteinte, l’artiste, néanmoins, continue vaillamment. Les rares moments de communion avec le monde en valent la peine, car c’est un monde pour les autres, un héritage pour les autres, un don aux autres, en définitive.
Lorsque l’on crée un monde tolérable pour soi-même, on crée un monde tolérable pour les autres.

Nous écrivons aussi pour aviver notre perception de la vie, nous écrivons pour charmer, enchanter et consoler les autres, nous écrivons pour donner une sérénade aux êtres qui nous sont chers.

Nous écrivons pour goûter la vie deux fois, sur le moment et après coup.
Nous écrivons, comme Proust, pour la rendre éternelle, et pour nous persuader qu’elle est éternelle.
Nous écrivons afin de pouvoir transcender notre vie, aller au-delà.
Nous écrivons pour nous apprendre à parler avec les autres, pour consigner le voyage à travers le labyrinthe, nous écrivons pour élargir notre univers, lorsque nous nous sentons étranglés, gênés, seuls.
Nous écrivons comme les oiseaux chantent.
Comme les peuples primitifs dansent leurs rituels.
Si vous ne respirez pas à travers l’écriture, si vous ne pleurez pas en écrivant, ou ne chantez pas, alors, n’écrivez pas.
Parce que notre culture n’a que faire de tout cela.
Lorsque je n’écris pas, je sens mon univers rétrécir.
Je me sens en prison.
Je sens que je perds mon feu, ma couleur.
Ce devrait être une nécessité, comme la mer a besoin de se soulever.
J’appelle cela respirer « …

6 réflexions au sujet de « MOTS DE SOIE À SOI »

  1. Avatar de Louis BertrandLouis Bertrand

    L’écriture, tel un fil d’or, un champs vibratoire qui transporte la musique d’un cœur à l’autre. Tant d’intimité qui touche et qui révèle. Une relation de l’au delà dans les vibrations essentielles qui s’harmonisent. Un surf sur la vague émotionnelle s’évanouissant sur l’universel.

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