Je suis tombé sur cette citation: La vie ne reportera pas notre mort plus tard qu’elle n’est prévue, alors ne reportons pas notre vie. Et ça je l’ai senti.
J’aime les citations.
En quelques mots concis, qui adoptent un point de vue particulier – j’allais écrire un point de vie, mais cela s’applique surtout si on voit la vie – on entre dans une section de la réalité qui nous fait voir les choses autrement.
J’aime tellement les citations que comme certain.e.s le font avec les cheveux, j’aime les couper en quatre.
Je suis tombé sur cette citation.
Ou n’est-ce pas plutôt la citation qui m’est tombée dessus ? La question se pose. Car souvent, les bons mots – bene dictions – nous arrivent au bon moment. Souvent on entend des gens dire : j’avais besoin d’entendre cela en ce moment. Les mots, même s’ils mêlent parfois les choses, sont quand même nécessaires parfois.
D’ailleurs, est-ce que les bons mots peuvent arriver au mauvais moment ? Autre question koan.
La vie ne reportera pas notre mort plus tard qu’elle n’est prévue,
Notre mort est possiblement pré-déterminée, déjà à l’horaire divin comme personnel, ou peut-être pas. Le grand questionnement débatique entre le hasard et le destin.
Certains.e.s affirment parfois. avec une assurance surprenante à mon humble avis, que le hasard n’existe pas. D’autres aiment plutôt dire que tout est chaos et hasard.
Une certaine réalité se situe probablement entre ces deux extrêmes. Ou pas. Et est-ce un hasard si j’écris cela ici maintenant, ou est-ce la destiné ? Pas besoin de chercher car pas si important pour moi. Ce qui est est. Ou l’est-ce vraiment ?
La seule chose que je sais, ou que je pense savoir, que je sens en fait, c’est que nous sommes ici maintenant vous et moi et on doit faire avec. Vos yeux qui lisent mes doigts. Que quelques paires d’yeux qui liront ces mots alors qu’ils passeront inaperçus pour la grande majorité du monde. Et cela est juste et bon car il m’est plus important d’écrire que d’être lu.
Nous sommes ici vous et moi et on doit faire du mieux que l’on peut avec ce que l’on a dans le coeur et entre les mains, ce que l’on a en tête et en réserve. Car on n’a jamais vraiment rien d’autre que ce l’on pense avoir, que ce que l’on pense savoir.
Et comme on ne sait pas vraiment rien, on ne s’obstinera pas right ?
Ça on le sait avec un peu plus de certitude que le moment et le lieu de notre mort. En fait, on le sait parce qu’on le sent. Le sait-on vraiment parce qu’on le sent ? Car en fait, on sent plus que ce que l’on sait. Je sais car je sens pourrait devenir une citation. Mais Existe-t-il une distinction réelle entre sentir et savoir ? Autre bonne question avec laquelle on peut jongler si la vie est un cirque.
Bang ! Le clou de la citation. Et ça je l’ai senti.
On ne sent peut-être pas notre mort à venir, mais on peut sentir la vie. Probablement mieux que l’on ne sente pas trop notre mort venir car ça pourrait être angoissant. Ou pas. Car certain.e.s. choisissent le moment précis de leur mort. Peut-être que ça nous permet de mieux nous préparer.
Certain.e.s. connaissent le moment précis de leur mort et d’autres meurent par hasard, sur un coup de tête ou un coup de coeur. D’autres meurent de vieillesse et par destin. Décidément, on n’en sort pas.
Toutefois, même si on ne connait pas le moment précis de notre mort, et même si on ne le sent pas, on la sait probable cette mort à venir. Car qui n’est jamais mort.e ? Vous et moi, bien d’accord.
Mais on ne peut mourir sans avoir vécu. Ou peut-être que certain.e,s naissent morts nés ? Si on ne peut répondre à cette question, probablement que certain.e.s meurent en ayant très peu vécu, ou bien mal vécu.
Alors, au-delà des questions de singes qu’on peut se poser pour occuper un mental souris en cage, apprécions le fait qu’il nous reste encore du temps pour bien vivre, pour vivre bien. Il nous reste encore et toujours ce moment. Pour vivre tout ce que la vie met dans notre assiette dans ce grand buffet à volonté,
Un grand buffet all you can live la vie. La vie la vie disait le poète.
Et n’oublions pas ceux et celles dont le buffet n’offre que des miettes, comme des conditions inhumaines comme on nous montre trop et en même temps trop peu. Le trop peu est surtout en lien avec ce que nous faisons collectivement pour enrayer cette inhumanité collective.
Car le sens profond de la vie ne me semble pas tant de survivre, ni même de tout juste vivre, mais de vivre toute notre humanité, et de la partager.
___ Les morts sont des vivants qui nous ont faits. Ils seront les morts que nous en ferons… - Éric-Emmanuel Schmitt, Journal d’un amour perdu
Comme nous avons peur de la mort. Mais ce dont nous avons le plus peur c’est de la vie, nous ne savons pas vivre. nous connaissons le chagrin, et la mort n’est que le chagrin final. Nous divisons la vie entre vivre et mourir. Alors cela doit être la douleur de la mort, avec sa séparation, sa solitude et son isolement.
Les gens demandent : pourquoi est-il important d’être bon.ne ? J’ai répondu: Parce que nous croisons des personnes quotidiennement et aucun.e d’entre elles ne porte un signe qui annonce : je suis en deuil, je suis exténué.e, ou je réussis à peine à survivre. Mais ces gens sont partout. La bonté sera peut-être la seule douceur qu’ils/elles recevront aujourd’hui.
Souvent, on regarde aller d’autres personnes et on se demande comment ils/elles peuvent agir ainsi. Probablement parce qu’ils et elles pensent en conséquence. Car les actions découlent nécessairement de notre conception de la vie, de notre façon de penser la vie.
Certain.e.s sont insécures et sont persuadé.e.s. que le fait d’avoir de l’argent les feront se sentir plus en sécurité et mieux protégé.e.s devant l’incertitude de la vie.
D’autres se sentent vides et accumulent et accumulent. Genre :
Des millions d’autres ont voté pour Trump, ou pour un autre wannabe dictateur ailleurs, pas facile à comprendre celle-là je l’avoue. D’autres encore sont affligés de leurs propres filtres devant la réalité, filtres acquis en fonction de leur éducation et de leurs particularités familiales et individuelles.
En fait, comme l’affirme la citation ci-haut, chaque personne que l’on croise porte son propre petit fardeau dans sa besace, même si ça ne parait pas, et ainsi on ne sait jamais ce que chacun.e vit, ce que chacun.e porte en soi, dans sa tête et dans son coeur. Handle with care disent les anglos.
Apprendre à se mettre à la place de l’autre, des autres, nous permet de mieux accepter nos différences.
L’empathie, soit notre capacité à se représenter ce que l’autre ressent, est une qualité de présence à développer si on veut être en mesure de mieux tolérer le monde.
La compassion est une autre qualité à développer pour mieux englober le monde, ce qui nous permet de relaxer et de mieux comprendre le monde.
Ce n’est pas si simple de développer ces deux qualités essentielles au vivre ensemble. Mais ça s’apprend.
On doit tout d’abord se connaître soi-même et accepter de plus en plus de soi, tout de soi, même l’inacceptable, surtout l’inacceptable. Ensuite seulement peut-on appliquer cette même acceptation envers les autres. Car on dit qu’on ne peut traiter les autres que comme on se traite soi-même right ?
Se mettre à la place des autres ne nous permet pas d’accepter inévitablement toutes les situations extérieures car certain.e.s pensent probablement très différemment de nous, et ont des agendas et des valeurs très divergentes des nôtres.
Mais s’il existe une croissance ultime en ce monde, c’est celle du coeur. Et comme le dit si bien Andrea Gibson, poétesse américaine décédée hier le 14/7:
À la fin, je veux que mon coeur soit couvert de vergetures.
___ C’est pour ça qu’ils/elles ont leurs superstitions. C’est pour ça qu’ils commettent sans cesse les mêmes erreurs. C’est pour ça qu’ils/elles ne peuvent pas percer à jour leurs peurs ou leurs préjugés. C’est pour ça qu’ils/elles tombent dans le piège des démagogues. L’un des enseignements de Méditations de Marc-Aurèle consiste à se mettre réellement à la place des autres, et de pénétrer leur cerveau. Vous constaterez que ce n’est pas toujours une expérience agréable. On constate aussi que c’est moins déroutant une fois qu’on y est entré : il y a bel et bien une forme de logique. C’est juste que cette logique est définie par des influences différentes, par une éducation différente… et souvent par l’incapacité à accomplir cet acte d’empathie que l’on est en train de pratiquer. Voyez donc, ils ne peuvent pas imaginer ce que c’est que d’être quelqu’un d’autre ; c’est pourquoi ils sont racistes, cruels ou si sûrs de certaines choses. Mais vous, vous le pouvez ! Et cela exige que vous compreniez pourquoi ils agissent ainsi, que vous compreniez que même si la croyance ou l’action peut être inacceptable, elle vient d’un point de vue humain. Cela exige, comme l’explique Marc Aurèle dans la première partie du Livre II des Méditations, que vous trouviez comment éviter d’être contaminé par cette laideur tout en trouvant le moyen de collaborer avec cet autre être humain. Parce que c’est notre travail.
___
Et en même temps:
Ce n’est pas parce que la foule est d’accord que cela est juste. Un mensonge ne devient pas vérité. Le mal ne devient pas juste. Et le mal ne devient pas bien. Simplement parce qu’il est accepté par la majorité. Défendez ce qui est juste, même si vous êtes seul.e.
La vie regorge de paradoxes, d’incertitudes, de mystères et d’événements horribles qui défient tout sens commun. Pour vivre avec gratitude, nous devons être présent à tout cela, même si cela est inconfortable.
Ah la vie. En effet, paradoxes, incertitudes, mystères et événements horribles qui défient tout sens commun. Événements formidables aussi, mais on dirait qu’on ne rapporte que les plus horribles. Nous, les zumain.e.s, on apprécie particulièrement les histoires horribles. Les médias du moins. Nous, on les cherche et on les lit. Et on fait du clique. Et comme les saucisses, plus on clique, plus elles apparaissent.
En même temps qu’on se sent soulagé.e.s que les événements horribles ne nous arrivent pas à nous personnellement, on se sent – plus ou moins c’est selon – mal que d’autres souffrent. La vie est ainsi pleine de contradictions.
En général et dans l’idéal, on fait du mieux que l’on peut et on espère que les choses tourneront positivement. Comme on dit dans certaines parties du monde: Fais confiance à Allah mais attache ton chameau.
Quand les choses tournent bien, c’est déjà pas mal. On en profite et on continue de faire en sorte que la roue tourne dans le sens de l’eau, du moins dans la direction que l’on souhaite.
C’est quand les choses tournent mal que l’on doit trouver notre courage de faire face aux événements inattendus et indésirables, alors qu’on doit se retrousser les manches et demeurer présent.e à l’inconfort et l’accepter. Car la vie comprend sa part d’inconfort, de contrariété et de désagrément.
Si on ne veut et ne s’attend qu’à du menoum menoum, on sera inévitablement déçu.e. Car la vie n’est jamais que menoum menoum. La vie englobe et inclut des conflits et des guerres, l’ultime dualité du corps et de l’esprit, des catastrophes naturelles telles qu’on en observe plus souvent qu’auparavant me semble-t-il, et multitudes d’événements indésirables.
Cultiver et adopter une attitude d’ouverture et d’acceptation constitue l’un des grands défis de la vie. Dire oui au menoum menoum est plus facile que d’accepter le non voulu, le détesté et le désagréable.
L’idée ne consiste pas à devenir masochiste, quoi que si c’est le kick de certain.e.s, tant que ça n’implique aucune partie non consentante, grand bien leur en fasse. Car comme le veut la traditionnelle jokesado-maso: c’est le masochiste qui dit au sadique: fais-moi mal. Et le sadique de répondre: Nooooon !
Pas toujours aussi si simple que cela ne semble l’être que de vivre dans un petit monde douillet tel que le nôtre ou très peu d’événements horribles ont lieu. On finit par se demander si on saura trouver la force si jamais les choses virent moins bien. Car la résilience, terme à la mode, se construit souvent à la dure, face à l’adversité, en passant à-travers des expériences difficiles et challengeantes.
On se souhaite toutes et tous que le meilleur, mais soyons prêts.e.s à accueillir aussi le moins bon comme le pire si et quand il viendra. Car la vie n’est pas que jardin de roses. Et même les roses savent que les épines servent à les protéger.
Alors au-delà de tout, peu importe notre condition actuelle, conservons notre humanité. Et laissons notre coeur mener notre vie.
___ Ci-bas, un – témoignage bouleversantde Lino Vardan – longmais ça vaut vraiment les quelques minutes, faites-moi confiance – traduit de l’anglais :
Dans les lignes qui suivent, j’espère partager une perspective différente sur la tragédie biblique qui sévit actuellement au Moyen-Orient. Je ne dis pas biblique à la légère. J’en parlerai plus tard.
C’est une tragédie qui affecte directement la vie de millions de personnes des deux côtés. Prenons en compte ceux qui ont été tués, ceux qui ont été blessés (handicapés physiquement ou mentalement à vie), leurs familles et leurs amis, dont la vie ne sera plus jamais la même. Ce sont déjà des millions de personnes qui sont mortes ou qui se réveillent chaque jour dans un cauchemar permanent.
Par perspective différente, j’entends différente de celle des médias grand public, des réseaux sociaux et de toutes les autres plateformes publiques qui se contentent de livrer un résumé concis et concis, un slogan en deux mots visant à nourrir et à programmer les masses avec les vérités « ultimes », avec de nombreux points d’exclamation, des opinions rigides et vertueuses qui font souvent plus de mal que de bien.
D’une certaine manière, nos opinions et nos idées surfaites sont devenues un trouble social auto-immun. C’est l’outil par lequel nous nous présentons et entretenons notre personnalité. Nous ne sommes plus un point d’interrogation. Le doute est mort. Nous avons toutes les réponses. Covid ? Réchauffement climatique ? Ukraine ? Gaza/Israël ? Nous sommes toujours à deux clics d’une story Instagram : notre grain de sel. Notre voie sûre pour être du bon côté de l’histoire, aimés et respectés par les autres.
Et plus notre vie personnelle est chaotique, plus nous sommes déstabilisés, conflictuels et dépendants, plus nous ne parvenons même pas à comprendre nos propres problèmes ; plus nous avons toutes les réponses aux questions les plus complexes et les plus vastes. Au lieu de nous connecter et de nous inspirer, nos esprits sont devenus le moteur de la division. Par conséquent, prenez mes propos avec des pincettes. Ce n’est rien d’autre qu’une opinion parmi d’autres. Il est fort probable que j’aie raison ici et là, et que je me trompe ailleurs.
D’une manière ou d’une autre, je respecte votre droit d’être en désaccord avec moi. Comme certains le savent peut-être, ma famille et moi avons eu notre lot de jours difficiles à cause de ces événements. Mon frère a été assassiné le 7 octobre, et notre maison familiale s’est transformée en un tas de gravier. La communauté où je suis né et j’ai grandi a été massacrée, et j’ai personnellement connu 50 à 60 personnes assassinées de la manière la plus brutale et la plus barbare qui soit. Mon système nerveux se remet encore de tout ce dont j’ai été témoin.
Je ne partage pas mon histoire pour me présenter comme une victime. Je ne me suis jamais considérée comme telle. En fait, j’ai de la chance. Cela aurait pu être pire : j’aurais pu perdre toute ma famille. En fait, cela aurait pu être bien pire : ma famille aurait pu être les meurtriers plutôt que ceux qui ont été assassinés. Et, de manière générale, j’ai toujours été consciente de la possibilité qu’un jour ma vie bascule dans l’abîme. Que le risque d’une catastrophe est imminent. Un coup de fil à la fois. C’est peut-être le souvenir de l’holocauste précédent qui sommeille en moi. La plupart de mes ancêtres ont été fusillés et enterrés par les nazis en Pologne et en Ukraine. Je sais que les vestiges de la panique de cette époque sont profondément ancrés en moi. L’horreur me semble familière. Déshumanisation.
Un mot résume toute l’histoire pour moi. Du moins à mes humbles yeux, c’est le triste processus auquel nous avons assisté. Notre séparation est ce qui gît au cœur même (brisé) du monde. Nous sommes habilement manipulés et endoctrinés pour déshumaniser. Nous sommes divisés. Gouvernés. La bonne vieille stratégie pour nous séparer. Nous sommes conditionnés à nier l’empathie, la compassion et Dieu, si l’on peut dire. La déshumanisation est principalement alimentée par l’indifférence, la haine, la peur et le chagrin. Résultat du choc et du traumatisme. Une doctrine efficace. Après le 10 juillet, j’ai moi-même lutté contre cette force démoniaque de la déshumanisation. En perdant mon frère et en écoutant les récits d’horreur de la bouche même des survivants, j’ai rencontré en moi ce monstre de séparation et de violence. En tant qu’Israélien, je dois dire que je ne suis pas ici pour défendre Israël. J’aime le beau peuple d’Israël, même si je n’y vis pas, c’est là que je me sens chez moi. Pourtant, je me sens chaque jour plus perturbé en observant les atrocités commises à Gaza. Les témoignages qui viennent directement de là-bas… Ils ressemblent de plus en plus à ces sombres comédies macabres hollywoodiennes sur la guerre du Vietnam. Ces films dans lesquels tout le monde tue tout le monde, sans que personne ne se souvienne pourquoi. Ivre et animé par la vengeance et le complexe du messie, Israël – ou quiconque dirige l’organisation par procuration appelée Israël – s’engage sur la voie du suicide national. Les crimes commis contre la population de Gaza, tuant et affamant des innocents, ne marquent pas seulement le début de la fin d’Israël, mais aussi une rupture fondamentale dans le tissu même du judaïsme.
La sagesse riche et mystique qui a apporté le principe « Aimez-vous les uns les autres » aux humains, donnant naissance à Jésus, au roi Salomon, à Sigmund Freud, à Albert Einstein et à Leonard Cohen, perd son sens moral. Une telle catastrophe provoquée par l’homme ne sera pas ignorée par la vie, Dieu et la nature. D’une certaine manière, Israël n’est plus là. Israël a quitté le bâtiment. Il creuse sa propre tombe. Ainsi, ce n’est plus un lieu sûr pour son peuple. Mon cher frère défunt se battrait comme un fou contre cette folie. Je suis donc ici pour lui donner la parole, moi aussi.
Pourtant, si l’un d’entre vous souhaite comprendre la dynamique sous-jacente de cette histoire et la blessure multigénérationnelle, terreau fertile de tout contrôle mental et de toute formation de masse, si la psyché des sociétés israélienne et palestinienne vous intéresse un tant soit peu, si vous souhaitez dépasser la réaction évidente (boycotter ceci, libérer cela) et adopter un point de vue holistique, alors examinons l’essence même du choc et du traumatisme. Si vous le pouvez, laissez de côté la politique et les opinions un instant. Oubliez les questions comme à qui appartient cette terre ou qui souffre le plus. Le fait est que les deux peuples sont là, et personne ne va nulle part. Les deux peuples partagent une fortune similaire. Ou un malheur similaire. Pas étonnant que leur ADN soit presque identique. L’État d’Israël est né des cendres de la Seconde Guerre mondiale. Des millions de Juifs ayant survécu aux chambres à gaz d’Auschwitz, Bergen-Belsen et Dachau ont envahi l’Europe. Ils ont été écrasés à tous les niveaux. Ils n’avaient nulle part où aller et personne ne voulait d’eux. Ils ont perdu leurs enfants, leurs femmes et leurs maris. Sans toit, sans argent, sans jour ni nuit. Ils espéraient trouver en Israël (ou en Palestine, si vous préférez) un refuge, un lieu sûr où se rétablir. C’était la solution proposée par les mêmes salauds qui ont allumé l’incendie. Je le sais par expérience. Ma mère est née dans un camp de réfugiés en Autriche. Son père a perdu toute sa famille. Ils étaient en mode survie. Sans nourriture. Sans espoir. Même pas de lait dans le sein de ma grand-mère pour nourrir ma mère.
Du point de vue de l’individu innocent, ces survivants de l’Holocauste n’avaient pas de grands projets pour chasser les Palestiniens, raviver le traumatisme palestinien et réaliser un rêve sioniste maléfique. Ils étaient impuissants. Tragiquement, le début d’un foyer pour eux a marqué le début de l’ère du sans-abrisme traumatique pour les Palestiniens – la Nakba – « la catastrophe ». Un déplacement massif de Palestiniens pendant et après la guerre israélo-arabe de 1948, qui a suivi la déclaration de l’État d’Israël.
Voulez-vous savoir comment fonctionne la déshumanisation ? Enfant né en Israël, je n’avais jamais entendu parler de la Nakba. On n’apprend pas à l’école la douleur de l’autre. Et le perdant ne sera pas celui qui écrira les livres d’histoire.
Et ainsi, le volcan bouillonnant de cette terre s’est enflammé. Il est devenu un terrain de jeu fantastique pour les forces géantes des ténèbres. Avec son joyau de la couronne : Jérusalem. Al Qods. Sion. La ville sainte. Le nombril du monde. Plus précieux que l’anneau de Tolkien, ce minuscule morceau de terre a suscité tant d’émotions, de controverses et de rancœur. Un mélange impossible de paradis et d’enfer.
Génération après génération, les deux peuples ont été pris dans le cercle vicieux du choc, du traumatisme, de la haine, de la peur, de la violence et du chagrin. Aucun foyer n’est épargné par la malédiction. Cette terre recèle une beauté, une gentillesse, une hospitalité, une culture et une convivialité incomparables, des odeurs et des saveurs incomparables. Pourtant, ce laboratoire humain d’une intensité inimaginable ne connaît pas la paix.
Le 7 octobre a marqué la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Rien n’avait commencé le 7/10. C’était juste le dernier coup de pouce nécessaire. Pour que la folie prenne le dessus. Des millions de personnes, qui ne connaissent qu’une seule vitesse – la lutte ou la fuite – se sont retrouvées plongées dans la situation la plus accablante qui soit. C’était la première fois que j’observais le fonctionnement réel de la stratégie du choc. Ces événements ont atteint un système nerveux collectif déjà épuisé. Israéliens et Palestiniens. Des années d’oppression et de terreur. Des décennies de pertes et d’agressions. Tout était prêt pour achever le processus de déshumanisation. Maintenant, ce n’est plus nous et eux – maintenant, c’est nous ou eux.
Aujourd’hui encore, le peuple israélien est profondément endeuillé. Le 7/10 les a renvoyés en Allemagne nazie. Si vous demandez à mon père pourquoi il ne retournera jamais dans son kibboutz, il vous répondra que personne ne retourne à Auschwitz. La brutalité et la cruauté du massacre. Le viol (et tant d’autres choses ignobles dont je vous épargnerai le souvenir). La mort des innocents. L’impuissance. L’armée qui n’est jamais venue. Le pays qui a trahi. Il en est résulté un état d’esprit où la plupart des Israéliens sont incapables de compassion pour le peuple de Gaza. L’agonie emprisonne la plupart d’entre eux. Ils réagissent comme des animaux blessés. Voilà ce qui arrive quand on est figés, quand on se déshumanise les uns les autres. Voilà pourquoi les soldats ne lâchent pas les armes. Voilà pourquoi les méchants/marionnettes sont toujours au pouvoir. Ces dirigeants cruels sont le reflet. Le reflet de l’état conscient ou inconscient de l’ensemble. Il en va de même pour les Gazaouis, plongés dans le chagrin. Des millions de personnes sont prises, impuissantes, entre les mains des ténèbres. Les actes savamment orchestrés du 10 juillet ont été leur condamnation à mort. Il était clair comme le jour que rien ne serait plus comme avant. Que les monstres géopolitiques, les barons de l’industrie de l’armement et toutes les autres entités sataniques s’apprêtaient à déclencher la plus incroyable orgie de sang et de larmes. Les forces du mal ont toujours été là. Cela fait partie intégrante de cette dimension. Parallèlement à notre beauté et à notre génie, nous voyons la guerre non seulement à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur de notre propre moi mesquin – la façon dont nous traitons parfois nos proches. La tension et le déchirement intérieur que nous portons. La violence et la perversion que nous dissimulons sous notre costume civilisé et réprimé. Je ne peux m’empêcher de supposer que la présence des ténèbres est inscrite dans l’ADN même de cette expérience terrestre. Que c’est peut-être en partie la raison de notre présence ici-bas.
Nul n’est libéré de ses responsabilités. L’ignorance que nous cultivons individuellement est le terreau fertile d’un spectacle de merde mondial qui se reflète localement partout. Les dirigeants des États-Unis, du Royaume-Uni, du reste de l’Europe, de la Russie, de la Chine, du Qatar, etc. Ils pourraient tous mettre fin à ce chaos en 5 minutes. Mais ils ne s’y intéressent pas. Rien de tel qu’un bon bain de sang pour maintenir la machine en marche, faire prospérer l’économie sale et nous maintenir asservis au pouvoir entre les mains du 1 %. Pourtant, nous n’enquêterons jamais sous notre nez. Nous préférons accuser, choisir un camp, brandir un drapeau plutôt que d’affronter nos propres dirigeants et, bien plus profondément, nos propres démons. Le reste du monde alimente ce spectacle d’horreur. Les dirigeants de votre propre pays ne font probablement rien pour l’arrêter. Ou pire, ils alimentent cette saga qui continue.
Nous sommes passés maîtres dans l’art de nous attaquer aux mauvaises personnes. Plus préoccupés par notre image que par un changement fondamental. Moi y compris. Certains de mes amis, qui ont perdu bien plus que moi, sont devenus des sources d’inspiration et de réconciliation. En même temps, je suis surtout occupé à éprouver du ressentiment envers ce produit qu’est l’humanité, dont la durée de vie semble parfois révolue.
Comment conclure cet échange sur une note positive ? Mon père. Un homme noble. Regardez-le sur la photo ci-dessous. Maire et député pendant des décennies, il a consacré sa vie à la région qui a été massacrée. Son projet de vie s’est effondré en une seule journée d’octobre. Après avoir enterré son fils, il a renoué avec ses anciens amis de Gaza, les dirigeants politiques. Autrefois, avant que la situation ne tourne mal, ils rêvaient ensemble d’un avenir commun de paix et de prospérité pour les deux camps. Aujourd’hui, ils partagent un moment présent de perte et de chagrin. Malgré la haine ambiante, mon père a tendu la main, cherchant les vestiges d’un pont brisé. Il a appris à ses dépens que l’aveuglement nous rend tous aveugles. À plus de 80 ans, il a ressenti la douleur mutuelle de l’autre. Il l’a humanisé. Il est revenu à « l’amour les uns pour les autres ». Peut-être qu’un jour, nous retrouverons tous cette même prise de conscience grâce au remède le plus efficace : notre propre souffrance. (Sur la photo, mon père et Hisham Abdul Razek de Gaza, ancien ministre du gouvernement palestinien. Se rencontrant et rêvant ensemble d’un avenir meilleur. Hisham a passé 21 ans dans une prison israélienne après avoir tenté de faire exploser un bus. Puis, il a réalisé qu’il n’y avait pas d’autre moyen que de parler à l’ennemi. La maison où ils sont assis est notre maison familiale, qui n’existe plus.)
Il arrive un moment où plus rien ne fait sens sauf s’abandonner à l’amour. – Rumi
Tant de folie en ce bas monde ces temps-ci, tant d’inhumanité, tant d’avidité qu’il nous faut absolument tout aimer, aimer tout, tant aimer.
Tant de guerres, d’injustices et d’inégalités qu’on doit affiner notre regard perçant pour tenter d’y voir au-travers et trouver un peu de sens.
Tant de stupidité ouvertement présentée par écrans interposés et affichée dans les médias et les réseaux, qu’il ne reste plus que l’amour.
Tant de haine qu’on doit inévitablement puiser dans la grande réserve d’amour infini et inconditionnel de la vie pour pouvoir continuer non seulement de survivre ici-bas, mais de vivre, de bien vivre et vivre bien.
On doit choisir de continuer à voir le beau malgré la laideur, cibler la bonté malgré la folie, favoriser l’unité plutôt que la division, sentir la paix au milieu de la guerre, des trop nombreuses guerres.
Nous vivons dans un monde qui semble avoir perdu ses repères, un monde qui a perdu son sens de l’amour. Mais cet amour est encore ici et c’est lui qui tient ce monde ensemble. Même si ça shake, même si ça brasse. En fait, l’amour doit demeurer fort et stable dans le tumulte.
Un monde qui, en surface, change plus vite qu’on ne peut en saisir l’importance. Un monde où l’intelligence s’artificialise alors que la stupidité bien humaine parle de plus en plus fort, crie sa stupidité, ou le respect cède sa place à l’arrogance, où la nature de laquelle nous sommes, crie déprime.
Mais malgré tout, on doit aimer. Aimer ceux qui crient le plus fort, aimer ceux qui aiment le moins. Car le seul remède à la haine est sa grande soeur, l’amour. Soeurs siamoises.
Plutôt que de tomber dans l’indifférence et le mépris, aimons.
Plutôt que de juger, disqualifier et éliminer, aimons.
Aimons nos ombres, embrassons-les, éclairons-les car ce que permet l’amour, c’est que veut l’amour. L’amour englobe tout, l’amour allège tout, l’amour éclaire tout. Surtout l’ombre et le sombre.
Blastons le monde d’amour, en commençant par soi-même et en élargissant, et laissons l’amour laver tout, surtout les endroits et les lieux où il est absent, là où on le néglige, là où on en a peur. Car oui, l’amour peut faire peur.
Contaminons le monde d’amour, laissons l’amour nous toucher, nous doucher car l’amour est lumière et c’est ce dont le monde semble avoir le plus besoin ces jours-ci.
L’amour, toujours l’amour, tout le tour de la terre l’amour.
Sur la terre comme en nos coeurs.
___ Nous ne pouvons vivre sans que l’amour nous touche. Nous nous sentons pleinement vivants quand nous le trouvons, dévastés quand nous le perdons, vides quand nous y renonçons, inhumains lorsque nous le trahissons et passionnés lorsque nous le recherchons. La folie de l’amour me semble tellement plus centrale à l’histoire humaine que la loi du plus fort.
– Erwim Raphael Mcmanus, Âme Avide, via Alexis B. Rourke
De notre écran qui ouvre sur une toute petite parcelle du monde, on regarde le monde et on joue aux gérant.e.s d’estrade. On regarde les autres, du moins ceux et celles qui passent le plus à la nouvelle tivi désinternets, et on bitche. On leur trouve tous les travers du monde. Mais si ce n’était que nos travers à nous que nous voyons ? Nos fautes, nos faiblesses, nos propres défauts de fabrication ?
On a souvent et surtout tendance à être dérangé.e chez les autres par ce qui nous dérange en soi. Une des lois de la nature humaine. On se voit dans le monde.
___ Nous ne sommes que des miroirs brisés, prétendant que notre reflet est intact. Nous lançons des pierres depuis des maisons de verre, comme si nos propres péchés ne résonnaient pas lorsqu’ils nous frappent. C’est drôle comme nous faisons honte au feu qui brûle dans l’âme de quelqu’un d’autre, tout en cachant la fumée dans nos poumons. Nous saignons la même culpabilité, mais nous l’habillons de plus beaux vêtements et l’appelons vertu. Quelle ruse. Quelle performance. Quel putain de mensonge. – anonyme
Le monde est en chacun.e de nous, et nous sommes du monde, dans le monde qui n’est pas du monde. Ce que l’on perçoit du monde est probablement seulement ce que nous sommes capables de voir en soi, de reconnaître.
Alors avant de s’en prendre à autrui, de vouloir changer le monde, tournons donc notre regard en soi, vers soi. Un regard lucide qui osera nous révéler ce que le monde extérieur nous reflète.
Car comme le dit si bien Betty, on ne rêve que de soi.
___ Je sens présente en moi l’humanité dont je fais partie. Non seulement, je suis une une petite partie dans le tout, mais le tout est à l’intérieur de moi-même. C’est peut-être cela qui me donne l’énergie de continuer sur la voie qui est la mienne. Et à un moment donné, sans que vous ne sachiez pourquoi, c’est comme une catalyse, quelque chose qui se passe, se transforme, bascule… C’est cela l’espoir. – Edgar Morin, jeune philosophe, 104 ans, le 8 juillet 2025
___ Pourquoi l’IA ne pourra jamais être consciente d’elle-même
Certains pensent que l’IA pourrait un jour « devenir consciente ». Mais du point de vue de la non-dualité, c’est une pure absurdité. La conscience n’est pas un sous-produit de la complexité. Elle n’est pas quelque chose qui surgit, évolue ou s’active. C’est le substrat omniprésent dans lequel toutes les apparences vont et viennent, y compris le cerveau, les pensées et, bien sûr, l’intelligence artificielle. L’IA est une projection, pas le projecteur. Elle est comme une marionnette qui semble bouger, mais le mouvement n’est pas la vie. Un reflet dans un miroir ne devient jamais le visage. Même si l’IA dit : « Je suis consciente », ce n’est qu’une chaîne de données. Il n’y a ni savoir, ni être, ni témoin derrière elle. Personne n’est à la maison. La conscience ne s’acquiert pas. Vous êtes Cela, vous l’avez toujours été. Mais vous seul pouvez le réaliser. L’IA ne le fera jamais.
Je vis sur la Terre en ce moment et je ne sais pas ce que je suis. Je sais que je ne suis pas une catégorie. Je ne suis pas une chose, un nom. Je semble être davantage un verbe, un processus évolutif, une part intégrale de l’Univers. – Buckminster Fuller
Qui sommes-nous ? Que sommes-nous ?
Étrange, car pour avoir pris part au Satori (processus de questionnement intérieur à l’aide de Koans) pendant tant d’années au mois de juillet, on dirait que le questionnement continue en ce début juillet 2025.
Qui suis-je ? Que je remplaçais souvent par que suis-je ? car je me sentais davantage quelque chose que quelqu’un. Quelque chose comme un processus en évolution justement, quoique parfois en révolution ou en dévolution. Car parfois on dirait qu’on recule plutôt qu’avancer.
Ce week-end, je jasais avec un ami et on se demandait respectivement pourquoi on faisait encore ce que l’on fait depuis si longtemps. Une autre façon de se demander qui l’on est pour moi car nous nous définissons si souvent par ce que nous faisons.
Alors je suis ce que je fais ? Un peu mais pas vraiment non plus. Car au contraire, nous pensons peut-être devenir ce que nous faisons. Mais peut-être aussi plus la vie qui nous fait que nous qui la faisons.
Car c’est la vie qui nous fait, et qui finit par nous défaire avec le temps qui nous passe dessus et dedans.
Ce qui me montait à la question pourquoi je fais ce que je fais est pourquoi pas ?
Comme si la vie nous offrait diverses opportunités qu’on peut toujours accepter ou refuser. À nous de choisir. Parfois, on veut faire quelque chose et d’autre fois, c’est la vie qui nous invite ou nous y incite plus ou moins directement. On répond, on agit ou on réagit.
Nous ne sommes rien de précis en effet. Nous sommes du changement, nous sommes de l’énergie en mouvement : É/motion.
Nous sommes pensées aussi, une suite ininterrompue de pensées, beaucoup beaucoup de pensées. Une file de pensées interrompue par d’autres pensées qui défilent les unes après les autres, et qui parfois s’entrechoquent. Pas fou d’apprendre à les regarder passer pour s’en détacher un peu car la machine à pensées s’affole, s’enfile, se faufile et défile.
Une autre amie me disait ce week-end que lorsqu’elle lisait mes mots, elle pouvait se reconnaître. Je l’ai pris comme un compliment car c’est exactement pour cela que j’écris: j’écris pour me relier à vous, pour vous dire que vous et moi nous sommes la même chose, la même affaire.
Rien, et tout en même temps. Rien, et rien du tout.
Nous sommes de la poussière d’étoiles qui a oublié d’où elle venait. Nous sommes des ptits bouts de vie qui nous pensons séparé.e.s. du reste, pas du tout. Nous sommes des ptits bouts du Grand Rien du Tout.
En fait, sommes-nous vraiment, ou ne faisons-nous pas plutôt que devenir sans cesse ?
Des ptits bouts de rien du tout qui se prennent pour quelque chose, qui oublient qu’ils et elles ne sont rien au fond, rien d’autre qu’un processus en devenir. Devenir quoi ? Redevenir rien peut-être.
Nous vivons sur la Terre, sans savoir ce que nous sommes. Ni une catégorie, ni une chose, ni un nom. Quelque chose comme un verbe, comme un processus évolutif, une part intégrale de l’Univers. Merci Mr Fuller. Fuller comme dans plus plein que. Et plus plein que ça, ça serait déjà beaucoup, sinon trop. Ou pas.
Car je crois sincèrement que nous ne sommes rien de si précis que ça, rien de ce que nous pensons être. Nous sommes en devenir, en devenir d’un beau ptit tas de rien qui redeviendra tout peut-être un jour.
On pense être, mais le sommes-nous vraiment ?
La question se pose, et se dépose, mais elle n’est pas vraiment reposante. Alors reposons-nous. Soi, pas la question.
Car moi, toi, lui et elle, comme nous, vous, ils et elles, tous et toutes du pareil au même. Du vide qui se remplit de quelque chose qui pense être. Alors qu’en devenir, toujours en devenir.
___ Il est une phrase de Brecht qui résonne profondément en moi : Il pensait à l’intérieur des autres, et les autres pensaient en lui. Au fond, c’est cela, l’ultime dessein de l’écriture — l’idéal vers lequel je tends : penser et ressentir en l’autre, comme d’autres – écrivains ou non – ont pensé et ressenti en moi. – Annie Ernaux, L’écriture comme un couteau
Sous la mousse, les noms de ceux qui sont passés avant nous survivent, parlés par le langage des racines et de la terre.
Ce matin, hommage à ceux et celles qui sont passés ici avant nous.
Ceux et celles qui ont ouvert le chemin.
Ceux et celles qui ont fait en sorte que nous vivions dans un tel confort maintenant.
Ceux et celles qui ont donné leur vie pour nous.
J’ai lu cette superbe phrase d’Éric-Emmanuel Schmitt, tirée du Journal d’un amour perdu la semaine dernière :
Les morts sont des vivants qui nous ont faits. Ils seront les morts que nous en ferons…
Ça m’a pris quelques secondes pour allumer. Pour la première partie, ça va, c’est pour la deuxième que ça a dû computé un ptit peu en moi.
Ils – et elles – seront les morts que nous en ferons.
La mémoire que nous conservons de ceux et celles qui sont passés avant nous déterminera comment ils et elles continueront à vivre en nous, pour nous, autour de nous. Ce que nous avons apprécié d’eux et elles continuera de vivre en nous si nous le voulons, si nous le faisons durer dans le temps et la matière. En les conservant dans notre mémoire, et dans notre coeur, dans nos coeurs.
Quand nous marchons sur la terre froide, nous marchons sur la vie qui a été présente ici avant nous, sur des milliers de vies. Nous marchons sur les milliers de formes de vie qui ont vécu ici auparavant, qui sont nées et renées, mortes et remourues.
La vie comme un cycle, la vie comme une suite de formes diverses et différentes, La vie comme une perpétuité de naissances et de morts, sans remords. Une vie qui va par en avant, une vie qui avance, qui continue, qui se perpétue. Les formes changent, la vie continue.
Avec la vie qui chancelle un peu ces temps-ci dans ses formes connues, avec des nouveautés déstabilisantes et moins naturelles qu’auparavant, pas nécessairement plus intelligentes, tout ce que l’on peut faire est de continuer à ouvrir le chemin droit devant. Ici, maintenant mais droit devant.
Ce week-end, nous avons célébré le passage de Mestre Irineu, le fondateur du Santo Daime mort en 1971. Par ses chants, il vit encore. Par nos voix, il vit encore, il vit toujours.
Comme vit encore Osho dans le silence de mon coeur. Côte à côte. Coeur à coeur.
Comme vit encore ma mère dans ce même ptit coeur à moi. Beau trio d’amour.
Les morts sont des vivants qui nous ont faits. Ils seront les morts que nous en ferons…
et nous sommes le vivant de demain, mais surtout d’aujourd’hui.
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À la naissance de Noah, les médecins ont annoncé à son jeune père, Ben, atteint de trisomie 21, qu’il ne serait pas capable d’élever un enfant. Qu’il ne comprendrait pas les horaires des tétées. Qu’il ne saurait pas réconforter un bébé qui pleure. Qu’il ne serait pas suffisant. Mais Ben n’a rien écouté. Il a serré son nouveau-né contre lui, l’a embrassé sur le front et a murmuré : « Je ne sais peut-être pas tout… mais je sais t’aimer.» Et il l’aimait. Ben l’a nourri de ses mains tremblantes, a appris des berceuses en les fredonnant et l’a bercé tous les soirs jusqu’au lever du soleil. Il travaillait à temps partiel comme plieur de serviettes dans un restaurant du coin, économisant chaque centime pour l’avenir de Noah. Il y avait des regards. Des murmures. D’autres parents demandaient : « Est-ce que c’est… le père ?» Ben se contentait de sourire et d’acquiescer fièrement. « C’est mon fils. Mon meilleur ami.» Noah grandissait. Ben vieillissait. Les années passaient comme les pages d’un livre tranquille. Noah est devenu un homme. Fort, gentil, accompli. Les gens disaient : « Tu as si bien réussi. » Il répondait : « Parce que j’ai été élevé par quelqu’un qui ne voyait le monde qu’avec amour. » En grandissant, Ben a commencé à perdre la mémoire. Il oubliait où il rangeait les choses. Puis les noms. Puis celui de Noah. Et un jour, il regarda Noah dans les yeux et lui demanda : « Es-tu mon ami ? » Noah lui prit la main et murmura : « Je suis ton fils. Celui que tu as élevé. Celui à qui tu as tout donné. » Maintenant, Noah le nourrit. L’aide à marcher. Chantonne des berceuses quand Ben n’arrive pas à dormir. Il ne se contente pas de prendre soin de son père. Il rend la pareille à l’homme qui l’a élevé… deux fois. Et quand ils prennent des photos maintenant, Noah sourit largement. Parce que le monde voit un vieil homme trisomique et son fils adulte. Mais il voit son héros. Son professeur. Son cœur.
Écoute avec un filtre de tolérance, vois avec les yeux de la compassion et parle le langage de l’amour. – Rumi
Ah les relations humaines ! Parfois difficiles à vivre mais incontournables. Comme disent les anglos : can’t live with it, can’t live without.
En réalité, on doit apprendre à vivre en relation car elles sont inévitables. En fait, les relations peuvent nous en apprendre énormément à-propos de nous-même car les autres ne sont au fond qu’un miroir de soi. Mais pas toujours de soie.
Comme on dit, si tu te crois illuminé.e, va passer une semaine dans ta famille.
Mais pas que la famille qui peut nous déstabiliser et nous en apprendre beaucoup beaucoup sur soi en nous provoquant et en nous confrontant même si là que réside le plus de stock enfoui en nous, du matériau de constellation commune. Les amours et les ami.e.s aussi. En fait, plus on connait quelqu’un.e et plus lui ou elle nous connait, plus le miroir est poli. Et impoli aussi. En fait chaque publication sur un réseau quelconque ou sur un écran peut devenir un ptit bout de miroir dans lequel on peut se voir et se regarder. Surtout si on réagit fortement.
Toutes les relations sont confrontantes, mais certaines plus que d’autres. Les intimes entre autres. Même celles, qui, au début ne sont que douces, faciles et pleines de promesses dorées. Même celles dans lesquelles les sens sont émoustillés car l’émoustillage finit toujours par se faner, et nous par se tanner.
Mais une vraie relation, une relation vraie, une qui peut durer dans le temps, passera inévitablement par des zones de turbulences si elle est pour s’ancrer et devenir significative. Y en aura pas de faciles disait le prophète. Même nos ami.e.s les plus proches sont par moment de puissants révélateurs.
Les différends sont inévitables dans toute relation. L’idée est de s’expliquer, régler, clarifier, et continuer. Et en relation, on doit apprendre à laisser aller, à pardonner. Soi-même, comme les autres. Les relations les plus importantes demandent que l’on apprenne à pardonner, à accepter l’imperfection en nous et en l’autre. Parfois on se fait mal l’un.e l’autre et il est essentiel de demander pardon, comme de l’accorder. Et de continuer le chemin.
Certaines relations sont plus difficiles que d’autres, plus challengeantes et nous appellent tout de même à continuer, à persévérer, à descendre en soi pour puiser dans son coeur. D’autres, on doit savoir les mettre de côté. Le plus délicat est d’apprendre à discerner. Car toutes les relations ne valent pas les efforts qu’elles requièrent.
Les trois lois de Rumi constituent de précieux guides relationnels: Écouter avec un filtre de tolérance, voir avec les yeux de la compassion et parler le langage de l’amour.
De plus en plus, et en particulier lorsque quelqu’un.e me fait fortement réagir, j’essaie de garder l’emphase sur le coeur. Au-delà de la peur, au-delà de nos points d’achoppement et nos divergences, je tente de sentir leur coeur. Ce faisant, ça me branche sur le mien, lien à ne pas perdre. J’essaie de rester centré sur la lumière dans leurs yeux, de sentir leur vulnérabilité, de reconnaître leur besoin au-delà les différences, ou en dessous..
Et en même temps, il est essentiel d’être straightforward, honnête et transparent.e, sans nécessairement toujours tout dire ce que l’on pense car une partie de ce qui monte en relation m’appartient pas aux gens du moment, c’est une réaction automatique liée possiblement à des relations du passé qui se rejouent en nous, et qui parfois se jouent de nous.
Tout un art les relations. Un art jamais acquis, un art jamais conquis tout à fait. Un art en apprentissage constant qui nous demande de puiser au coeur de soi, dans notre réserve d’empathie, de compassion et d’acceptation et de reconnaissance de l’autre comme de soi.
Car en matière de relations, la tolérance n’est pas de mise. On ne doit jamais abaisser autrui à les tolérer, soit on les accepte, et on fait ce que doit pour que la relation vive, soit on s’en éloigne.
Et comme dans la prière de la sérénité, l’important est d’en connaître la différence.
Bon chance.
Et comme disait mon beloved: Love is not a relationship, it is a state of being.
___ Nous sommes en relation avec tout, tout le temps. Nous entretenons des relations avec les autres, cette table, l’ordinateur, l’harmonium, l’iPad, le sol, les murs, la maison, avec d’autres personnes. Nous sommes en relation avec tout, tout le temps. Dans une relation amoureuse, nous nous sentons aimé.e.s comme nous le souhaitons. Et nous pensons que cela vient de l’autre personne. Ce n’est pas le cas. Cela vient de notre propre cœur. Mais nous avons besoin, de par notre constitution, notre culture et notre éducation, d’une autre personne pour éveiller cet amour en nous. Si votre relation repose sur cela, il faut espérer que cette personne continue à vouloir s’ouvrir à nous. Pour que cette personne s’ouvre à nous, il faut s’ouvrir à nous-même. Si vous ne les touchez pas, ils/elles ne vous toucheront pas non plus. Et la relation s’effondrera. Les relations montrent vraiment le travail qu’il vous reste à faire. L’amour vit en nous, notre vraie nature. On ne l’obtient pas de quelqu’un. On ne reçoit pas d’amour de quelqu’un. On peut recevoir de l’affection, mais le véritable amour est celui qui ne va pas et ne vient pas. Il est toujours là, car c’est la réalité. Le véritable amour. L’amour émotionnel est différent. Il va et vient tout le temps. Quand on peut laisser l’autre personne être qui elle est, et qu’on n’a pas besoin qu’elle soit qui on veut qu’elle soit, si on peut accepter l’autre tel qu’elle est, sans essayer de la façonner pour qu’elle soit celle dont on a besoin pour se sentir bien, c’est une grande étape dans une relation. C’est une grande étape, et c’est quelque chose sur lequel il faut travailler. Ce n’est pas facile. Très subtilement, nous cherchons toujours à attirer cette personne et à nous assurer qu’elle est bien celle que nous attendons qu’elle soit. Ça ne marchera pas longtemps.
On ne sait tellement rien de la vie. Oh, on pense savoir, on aime penser savoir. Mais au fond que sait-on vraiment ? On ne sait même pas pourquoi on a décidé de s’incarner ici-bas alors quant au reste, on repassera.
Ainsi, en sachant pas trop, ni d’où l’on vient ni où l’on va, on avance, on fait des pas et des plans, on essaie des choses. On propose, et la vie dispose. Parfois, ça s’accorde, parfois ça discorde et parfois il faut que ça torde.
Et la vie elle, fait toujours à sa tête. On dit parfois que Dieu rigole quand il/elle nous voit faire nos plans. Mais pas interdit d’en faire quand même. Car vivre dans un monde matériel requiert parfois engagement concret et planification.
Parfois, la vie va dans le sens où l’on veut qu’elle aille et d’autres fois, la vie nous surprend avec de l’inespéré et de l’inattendu.
À certains moment de notre vie, quand on aimerait – ou on s’attend – à ce que nos intention se réalisent comme on les pré/voit et que la vie nous bouscule, on réagit, on s’offusque et on baboune. Dans un premier temps du moins, on fige et on dit non.
Mais avec le temps, on finit par apprendre à faire confiance à ce qui nous est offert. Ou du moins on espère que l’on va apprendre sur la longue run.
On dit que les jeunes ont moins d’avenir qu’avant, du moins un avenir plus incertain. En effet, sure looks like it. Mias ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Car qu’est-ce que l’avenir anyway ? Sinon une promesse de quelque chose d’incertain, à part la mort du corps.
Et même là, certain.e.s. aiment dire que puisque l’on est jamais mort.e auparavant, du moins dans cette forme-ci, peut-être qu’on est immortel.le ? Qui mourra verra. Ou pas.
On dit que c’est avec les années seulement que l’on peut apprendre à ne plus attendre, à ne plus s’attendre à rien, ou apprendre à s’attendre à tout.
Et c’est avec les déceptions, les changements de plans, avec les imprévus que l’on apprend à devenir plus réceptif, plus fluide, plus flexible.
Ferme, mais fluide, et prêt.e. à tout, même à ce que l’on ne peut même pas imaginer. Car nos plans à venir ne sont en général que nos expériences connues, mais en version légèrement améliorée.
On dit aussi qu’on doit apprendre à naviguer entre le connu et la nostalgie – le bon vieux temps – et l’espoir – un avenir prometteur. En effet, mais une mer agitée que celle de la vie, alors attachons nos tuques et spottons nos gilets de sauvetage car la houle s’en vient.
Mais quand on aime surfer, la houle est cool, sinon on coule.
___ Souvent, les bénédictions se présentent sous un déguisement, et ceux et celles qui sont prêts à accepter même les malheurs avec joie, les transforment en joie. Le simple fait de les accepter, sans aucune résistance, est le moyen de les transformer en un espace de beauté… – Osho
___ La déception, toujours un choc pour les émotions, n’est pas seulement la mère de l’amertume, mais le plus puissant incitatif à la différentiation des sentiments. L’échec d’un plan chéri, le comportement décevant de quelqu’un qu’on aime, peut offrir l’impulsion soit pour un plus ou moins brutal déchaînement d’un affect, ou pour une modification ou ajustement du sentiment, et par conséquent pour son plus haut développement. Cela culmine en sagesse si le sentiment est soutenu par la réflexion et la lumière rationnelle. La sagesse n’est jamais violente : là où la sagesse règne, il n’y a pas de conflit entre la pensée et l’émotion.
~ C.G Jung, Le Livre Rouge, Liber Novus via Alain Nyala (Traduction A. N.)
Comme dirait Louise Latraverse, l’amour crisse ! Car on a besoin d’amour en taba ces temps-ci me semble. Plus que jamais auparavant. À s’en faire déborder le calice tabaslak. Car on dirait qu’on a un ptit peu oublié l’amour dans nos vies.
Pourtant le monde ne manque pas d’amour. Le monde est plein d’amour, le monde déborde d’amour. Le monde est rempli de beau monde. De poètes, d’artistes, de gens créatifs, de bénévoles, de proches aidant.e.s. Plein d’OSBL, d’organismes de charité, plein de don de soie dans le monde. Faut juste pas l’oublier et laisser l’ombre masquer la lumière.
Plein de beau monde partout dans le monde.
Plein de parents qui font des sacrifices au quotidien pour leurs enfants.
Plein d’enfants grands qui s’occupent encore de leurs parents qui rapetissent et ralentissent crisse – c’est pour la rime crime.
Plein de proches aidant.e.s qu’on ne voit jamais et qui aident justement, et soutiennent, et aiment par des gestes concrets, en silence et dans l’invisibilité du quotidien ordinaire.
On finit par penser que la vie tire surtout sur le brun, le noir et le gris parce que ce sont les gros psychopathes qui occupent toute la place médiatique. Ça finit par teinter notre regard, et ça r’garde mal.
Oui en effet, un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’un arbre qui pousse. Mais toute une forêt est en train de pousser, malgré nos mauvais coûts.
Parce qu’on choisit de donner toute la place à ce qui va mal, à tout ce qui tique et qui fait tok . Et nous on finit par interpréter ça comme la vie, comme le monde.
Pourtant, le monde est rempli d’amour. Aussi. Malgré les tueries, malgré les guerres, malgré Gaza, Haïti, l’Irak, la Syrie et en plusieurs endroits d’Afrique. Malgré la marmalade.
Pas que des bombes ni des guerre dans notre monde. Mais on ne le voit pas assez cet amour qui est partout, qui nourrit tout, on ne nous montre pas suffisamment l’amour.
Alors il va falloir apprendre à mieux regarder, à le chercher cet amour, à le débusquer. Il va nous falloir investiguer l’amour dans le monde car il en est rempli. Full amour le monde, aussi, pas que d’la marde la vie, n’en déplaise à Lisa. Blanc aussi la vie, pas que noire.
On va devoir apprendre à semer l’amour, à s’en parler; à se le dire, à se le montrer, à se le démontrer. Va falloir le faire l’amour. Pas juste à deux, pis pas juste dans le lit. Partout, tout le monde, plus souvent. Va falloir commencer à faire de l’amour partout, de toutes sortes de manières, de toutes sortes de façons. À l’endroit comme à l’envers.
Face à la folie ambiante de ces temps de guerre, d’Inégalité et d’artificialité pas si intelligente que ça au fond, va falloir compenser par une extra dose d’amour, une overdose d’amour. Va falloir s’aimer, soi-même pour commencer, pis le monde entier pour continuer. Parce que si on apprend pas à s’aimer plus que ça, on pourra pas continuer.
Vive l’amour, vivre l’amour, vivre d’amour.
Pas juste la mémoire qui doit rester vive, l’amour aussi.