GRAFIGNER L’ÉCRAN DE SON IGNORANCE

Écrire constitue souvent le processus par lequel tu réalises que tu ne comprends pas à propos de quoi tu parles.
– Shane Parrish

J’écris beaucoup. J’écris souvent, j’écris régulièrement et depuis longtemps.

J’écris à propos de choses que je ne connais pas, que je connais peu, à propos de choses que je connais mal. Du moins, que je ne connais que de façon limitée, très limitée. J’écris pour apprendre donc. Pour apprendre sur moi, sur les limites de mes connaissances.

J’écris à propos de la vie en général, mais au fond je ne connais que ma petite vie à moi. Et même encore. Alors, en réalité, j’écris toujours seulement à propos de ma vie en particulier. Ma petite vie ici, d’ici, encapsulée dans un corps, un corps qui vieillit lentement mais sûrement comme tous les corps le font avec le temps, un corps et un esprit issus d’une éducation limitée, baignant dans une culture spécifique, au coeur d’une vie vécue à un moment de l’existence déterminée. Bref je ne peux adopter qu’un point de vue très obtu sur la grande vie.

Je ne peux me prononcer sur les grands enjeux sociaux et sociétaux car je maîtrise trop peu les multiples et complexes éléments constituant la société dans son ensemble, comme les multiples micro sociétés composant LA société. De connaître l’histoire aide un peu à contextualiser sa propre petite existence ici-bas. De se voir d’en haut de l’Histoire. Car on s’inscrit toujours sur un continuum, dans une lignée.

Ne connaissant pas suffisamment les grandes choses de la vie, j’écris alors au sujet des petites choses de la mienne, les petites choses de ma vie. Petits mots toujours très personnels.

J’ai souvent dit que j’écris pour réaliser les limites de mes connaissances. Souvent, quand je tombe sur un terme que je connais mal, je le googlise, et je cherche ses sens, ses définitions.

J’écris pour apprendre au fond. Sur moi. Pour voir mes limites, les limites de mon intellect. Car peut-on écrire avec autre chose que son intellect ? À ce que je sache, ni mon coeur ni mon âme n’ont de doigts. Tout passe par ma tête, ma ptite tête de linotte qui se pense parfois ben smatte. SmartAti. Et les rouges pour la faim. J’écris surtout pour jouer. Détour.

J’écris comme je pense, comme je parle, j’écris comme je déparle aussi parfois. J’écris en slang, parfois en bilingual, avec mes deux langues de vipère. J’écris avec mes deux mains et je parle des deux côtés de la bouche. Parfois je me retrouve bouche bée, ou bouché devant l’écran, surtout quand j’essaie de dire des choses que je saisis mal. J’ai alors besoin de mes demains.

Mais est-ce qu’on dit quelque chose quand on écrit ?

J’écris aussi par habitude. Chaque matin de semaine que le bon Dieu amène – Amen ! – au lever, avec mon premier café, en hiver après avoir reparti le feu, j’arrive à mon Mac, je me cherche un meme pour me partir, et je tape et tape et tape. Je me starte la journée.

Oh, je ne suis pas un écrivain, tout au plus un écriveux, dans le sens où je ne gagne pas ma vie à écrire. Je ne perds pas mon temps non plus. Je n’écris que pour le fun. Le plus important. J’écris aussi pour les puns.

Je ne suis sûrement pas un écrivain car je ne me sens pas coupable du tout quand je n’écris pas 😉

Non, j’écris gratuit et je sème mes mots au grand vent du web. Bouteille à la mer, bouteille à ma mère. Yo Mom !

Je n’écris pas public sur les réseaux, j’écris à la blogue. Trop pudique.

Je ne me sens pas coupable mais ça me manque quand je n’écris pas. Quelque chose me manque. Ce moment où je me ramasse, me rassemble, me recentre sur une idée ou quelques-unes et que j’élabore, sans jamais déblatérer. J’allais utiliser ici – erronément – le terme déblatérer, ce que j’ai réalisé en le googlant. Car je ne parle jamais avec violence ni méchanceté. Je vous évite le googlage. De rien.

J’écris pour le jeu des mots qui dansent sous mes doigts. J’écris pour faire contact avec vous, toi, vous, les quelques dizaines de paires d’yeux qui osent passer par ici le matin surtout, mais parfois plus tard dans la journée aussi. Coucou chez-vous !

J’écris parce que ça structure ma journée, ça me part, ça me start. Ça me donne un kick au cul. À dire tout haut. Aho !

Écrire me vide un peu le trop plein têtesque. J’écris justement parce que je peux inventer des mots. Comme si ça me permet d’avoir un tout ptit peu de contrôle sur la vie, sur ma vie.

J’écris pour me sentir vivant à travers vos yeux.

Alors merci de me lire, vous êtes ma tire-lire.

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L’exercice d’écriture, même si ce n’est que pour nous, permet souvent de digérer un peu de ce qui peut nous tenir éveillés longuement dans nos ruminations, notre peine, notre deuil.
– Nathalie Plaat, Le Devoir 24/7/23

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Pour avoir une conversation distinguée, on doit se rappeler de n’ouvrir la bouche que lorsqu’on n’a rien à dire.
– Georges Courteline

2 réflexions au sujet de « GRAFIGNER L’ÉCRAN DE SON IGNORANCE »

  1. Avatar de Joa7oJoa7o

    Chronique qui incite à écrire….

    j’écris pour me découvrir, pour me mettre à nu devant moi, pour me suivre intérieurement dans mes plongées sous-marine à ma recherche de qui suis-je, pour me rappeler plus tard de mes découverte sur moi, sur ma vie, sur mon histoire personnel, car avec le temps j’ai la mémoire vacillante, pour me relier, surtout pour me rencontrer….

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