1000 ET 1 VIES

Nous mourrons des milliers de fois au cours d’une vie. Nous nous effondrons, nous cassons et nous désassemblons, des couches d’illusions se consument, et tout ce qui reste est la vérité de qui nous sommes vraiment.

Jour après jour, on naît et on meurt, on re-naît et re-meurt. Jour après jour, mais parfois la nuit aussi. Car jours et nuits dansent toujours ensemble. Comme matins et soirs, avant et après midis. Pénombre, aurore, aube, que des phases, que des moments passagers qui se répètent à l’infini. Comme nos organes qui se regénèrent de sept ans en sept ans. On dit que nous nous renouvelons à chaque cycle de sept ans.

Le fond demeure le même, mais la surface change sans cesse. Jusqu’à ce que ce corps nous quitte. Ou double. Car avec les années, certains corps se fragilisent, d’autres prennent de l’ampleur. Plus ou moins d’ampleur. Mais toujours plus fragile. Jusqu’à preuve du confrère. Et de la consoeur.

Que puis-je dire que je n’ai pas déjà dit ?

Déjà écrit, déjà pensé ? Mais jamais des pensées ne viennent de nulle part. Toujours les mêmes mots, mais assemblés différemment. Toujours les mêmes mots qui ne veulent jamais dire la même chose, qui ne peuvent jamais dire la même chose.

Car nous ne sommes jamais les mêmes. Ni celui – ou celle – qui écrit, ni celui – ou celle – qui lit. Guiliguili. Ces mots qui nous chatouillent la curiosité, ces mots qui alphabétisent le silence.

Qui suis-je sans les mots ?

Qui suis-je sous les mots ?

Humble serviteur du vivant. Explorateur du néant.

Un muet beau parleur qui se meut dans la foule des âmes.

Poète à ses heures, petit moine à d’autres. Humain de bonne heure et sage de bonheur.

De ces heures qui passent. Et qui repassent. Jamais les mêmes, toujours la même. Le seul moment. Que celui-ci, que déjà il a fui.

Que puis-je dire que je n’ai pas déjà dit ?

Écrit, crié ? Écrits criés, ou chuchotés. Silence parlé.

Paroles chouchoutées de ma petite humanité oubliée. Car les mots ne sont rien sans l’humain, mots à tour de bras et à mains nues. Le coeur dessus, par-dessus. La main.

Poésie tordue, paroles joufflues. Mausus de bouche cousue et langue touffue qui ne peut plus dire tout ce qu’elle veut. Car parfois la langue nous enfle, la langue nous dédouble quand on tente de dire le double sens de la vie. Parole comme sens unique. Et trip la vie.

Vieux motard qui jammait.

Et Pouf !

Petits écris d’un ptit jeudi matin tout gris, tout bleu, houleux et calme. Heureux dans l’âme et la conscience. Blues sous la blouse et coeur sur la main. Absence et présence qui dansent ensemble dans le grand cha cha cha de la vie sur terre.

OK le poète, shake shake shake ! Enwèye la back house dans le poil à bras.

Et chante effeuilleuse vie qui nous dégarnit.

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Que puis-je dire ?

Que puis-je dire que je n’aie déjà dit ?
Alors je le redis.
La feuille a une chanson en elle.
La pierre est le visage de la patience.
Dans la rivière, il y a une histoire inachevée et vous êtes quelque part dedans.

Et elle ne finira jamais avant la fin de tout.
Emmenez votre cœur affairé au musée d’art et à la chambre de commerce mais emmenez-le aussi dans la forêt.
La chanson que vous entendiez chanter dans la feuille quand vous étiez enfant chante encore.
J’ai vécu soixante-quatorze ans, à ce jour, et la feuille chante encore.

– Mary Oliver

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Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, de diverses manières.
Cependant, il s’agit de le transformer.

– Karl Marx

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