
parlés par le langage des racines et de la terre.
Ce matin, hommage à ceux et celles qui sont passés ici avant nous.
Ceux et celles qui ont ouvert le chemin.
Ceux et celles qui ont fait en sorte que nous vivions dans un tel confort maintenant.
Ceux et celles qui ont donné leur vie pour nous.
J’ai lu cette superbe phrase d’Éric-Emmanuel Schmitt, tirée du Journal d’un amour perdu la semaine dernière :
Les morts sont des vivants qui nous ont faits.
Ils seront les morts que nous en ferons…
Ça m’a pris quelques secondes pour allumer. Pour la première partie, ça va, c’est pour la deuxième que ça a dû computé un ptit peu en moi.
Ils – et elles – seront les morts que nous en ferons.
La mémoire que nous conservons de ceux et celles qui sont passés avant nous déterminera comment ils et elles continueront à vivre en nous, pour nous, autour de nous. Ce que nous avons apprécié d’eux et elles continuera de vivre en nous si nous le voulons, si nous le faisons durer dans le temps et la matière. En les conservant dans notre mémoire, et dans notre coeur, dans nos coeurs.
Quand nous marchons sur la terre froide, nous marchons sur la vie qui a été présente ici avant nous, sur des milliers de vies. Nous marchons sur les milliers de formes de vie qui ont vécu ici auparavant, qui sont nées et renées, mortes et remourues.
La vie comme un cycle, la vie comme une suite de formes diverses et différentes, La vie comme une perpétuité de naissances et de morts, sans remords. Une vie qui va par en avant, une vie qui avance, qui continue, qui se perpétue. Les formes changent, la vie continue.
Avec la vie qui chancelle un peu ces temps-ci dans ses formes connues, avec des nouveautés déstabilisantes et moins naturelles qu’auparavant, pas nécessairement plus intelligentes, tout ce que l’on peut faire est de continuer à ouvrir le chemin droit devant. Ici, maintenant mais droit devant.
Ce week-end, nous avons célébré le passage de Mestre Irineu, le fondateur du Santo Daime mort en 1971. Par ses chants, il vit encore. Par nos voix, il vit encore, il vit toujours.
Comme vit encore Osho dans le silence de mon coeur. Côte à côte. Coeur à coeur.


Comme vit encore ma mère dans ce même ptit coeur à moi. Beau trio d’amour.

Les morts sont des vivants qui nous ont faits.
Ils seront les morts que nous en ferons…
et nous sommes le vivant de demain, mais surtout d’aujourd’hui.
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À la naissance de Noah, les médecins ont annoncé à son jeune père, Ben, atteint de trisomie 21, qu’il ne serait pas capable d’élever un enfant.
Qu’il ne comprendrait pas les horaires des tétées.
Qu’il ne saurait pas réconforter un bébé qui pleure.
Qu’il ne serait pas suffisant.
Mais Ben n’a rien écouté.
Il a serré son nouveau-né contre lui, l’a embrassé sur le front et a murmuré :
« Je ne sais peut-être pas tout… mais je sais t’aimer.»
Et il l’aimait.
Ben l’a nourri de ses mains tremblantes, a appris des berceuses en les fredonnant et l’a bercé tous les soirs jusqu’au lever du soleil. Il travaillait à temps partiel comme plieur de serviettes dans un restaurant du coin, économisant chaque centime pour l’avenir de Noah.
Il y avait des regards. Des murmures.
D’autres parents demandaient : « Est-ce que c’est… le père ?»
Ben se contentait de sourire et d’acquiescer fièrement.
« C’est mon fils. Mon meilleur ami.»
Noah grandissait. Ben vieillissait.
Les années passaient comme les pages d’un livre tranquille.
Noah est devenu un homme. Fort, gentil, accompli. Les gens disaient :
« Tu as si bien réussi. »
Il répondait :
« Parce que j’ai été élevé par quelqu’un qui ne voyait le monde qu’avec amour. »
En grandissant, Ben a commencé à perdre la mémoire. Il oubliait où il rangeait les choses. Puis les noms. Puis celui de Noah.
Et un jour, il regarda Noah dans les yeux et lui demanda :
« Es-tu mon ami ? »
Noah lui prit la main et murmura :
« Je suis ton fils. Celui que tu as élevé. Celui à qui tu as tout donné. »
Maintenant, Noah le nourrit. L’aide à marcher. Chantonne des berceuses quand Ben n’arrive pas à dormir.
Il ne se contente pas de prendre soin de son père.
Il rend la pareille à l’homme qui l’a élevé… deux fois.
Et quand ils prennent des photos maintenant, Noah sourit largement.
Parce que le monde voit un vieil homme trisomique et son fils adulte.
Mais il voit son héros.
Son professeur.
Son cœur.
