SALUT JEUNES BRANCHES

LORSQUE JE MOURRAI
Lorsque je m’étendrai pour la dernière fois
SVP ne me mettez pas dans un cercueil en bois
Et ne laissez pas non plus de fleurs sur ma tombe
Dans un beau petit panier

N’injectez pas de produits chimiques dans mon corps
Et ne m’exposez pas non plus
Déposez mon corps dans la terre
Et plantez une graine sur ma tombe

Et comme mon corps se compostera sous terre
Ses atomes se transmutant
À sa place un arbre poussera
Sur le lieu de mon origine

Les précieux minéraux, retournés à la terre
Petites molécules de moi
Essence d’une autre vie
Alors que je deviens arbre.

Ce poème, de source inconnue (de moi du moins), m’est apparu ce matin. Il s’avère parfait comme point de départ de ma chronique vendredienne, et comme point final à une semaine de passage.

Car si ma semaine a commencé par des funérailles en ligne pour le départ d’un vieil ami de la Hollande, hier, elle s’est poursuivie avec un autre service funéraire, en présentiel et à Montréal cette fois. Celui d’un autre ami de longue date, un ami du silence, décédé cet hiver, mais qu’on célébrait hier en ce gris jeudi de mai.

Lors de la cérémonie, il fut souligné qu’il avait choisi que sa dépouille soit enterrée avec les semences d’un arbre. Pour poursuivre sa vie. Pour se re-créer. Pour revoir le jour et jouir du soleil de nouveau du haut de ses branches et ses feuilles nouvelles à venir. Beau geste et belle image.

Décidément, pas mal de mort, de départs, autour de petit moi ces temps-ci.

Je disais d’ailleurs ici il y a quelques jours que la mort m’est rentrée dedans à un certain point. Car on peut savoir que des gens qu’on a connu jadis sont mort.e.s, mais leurs morts nous révèlent aussi et beaucoup la nôtre, notre propre mort à venir. Notre propre mort en devenir actuel en fait, petit à petit, la mort nous rappelle à la vie.

À chaque proche qui meurt, c’est un peu nous aussi qui mourront, un ptit bout de nous, qui en laissons aller des pelures et des souvenirs de ce qui fut. L’armure, jadis nécessaire pour vivre dans le monde, tombe petit à petit devant l’ultime face à face avec la vie.

Et je réalise que la mort de nos proches fait partie intégrale du processus de vieillissement. Vieillir, ce n’est pas seulement sentir son corps se flétrir petit à petit, c’est aussi voir des proches et des moins proches quitter le navire en cette grande et étrange croisière qu’est la vie.

En ce sens, il monte en moi ce matin un immense respect pour tous ceux et celles qui, plus âgées, ont vu et continuent à voir tant des leurs partir.

Immense respect pour ceux et celles qui vivent en contextes de guerre et pour qui la mort est une compagne intime et quotidienne.

Tout aussi immense respect pour ceux et celles qui ont perdu un.e amour.e de vie, un.e conjoint.e de longue date. Et qui réussissent à continuer de vivre, ou qui meurent lentement de chagrin suite au départ de leur beloved.

Immense respect pour les parents qui ont perdu des enfants. Pas dans l’ordre des choses.

Immense respect pour la vie. Car c’est ce que nous apprend la mort, c’est ce que j’apprends de la mort cette semaine avec les départs rapprochés de plusieurs ami.e.s.

Immense et réelle humilité incarnée que seule la mort peut nous apprendre. Car aucun mot peut faire la job devant la mort, pas de connaissances qui peuvent nous la faire comprendre, ni éviter. Elle est là, juste ici, devant soi, en soi même. Qu’une question de temps, qu’une réponse au temps qui passe en fait. En soi, dans et sur soi, dedans comme devant.

La mort nous rappelle de vivre totalement pendant qu’on nous prête vie, d’ici à ce que l’on redevienne arbre. La mort nous réveille à la vie. Et elle nous dit aussi de ne pas trop s’en trop faire avec les détails, petits ni grands, et de sentir les fleurs du tapis de la vie plutôt que de s’enfarger dedans.

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Grandir, mûrir, vieillir, mourir, le temps passe, c’est prédestiné, inévitable.
Il n’y a qu’une solution pour que la vieillesse ne soit pas une parodie absurde de notre vie antérieure, c’est de continuer à poursuivre des fins qui donnent un sens à notre existence : le dévouement à des individus, à des groupes ou à des causes, le travail social, politique, intellectuel ou créatif.
Dans la vieillesse, nous devons souhaiter avoir encore des passions assez fortes pour nous empêcher de nous replier sur nous-mêmes.
La vie a de la valeur tant que nous en attribuons à la vie des autres, par l’amour, l’amitié, l’indignation, la compassion.

– Simone de Beauvoir, La Vieillesse

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Vieillir, c’est un art et une épreuve.
Il faut saluer avec tendresse celui/celle qu’on est devenu…
Et faire la paix avec celle/celui qu’on n’est plus.
Il faut apprendre à marcher plus lentement, à se dépouiller des attentes, et à chérir ceux et celles qui restent sans crainte de perdre encore.
Vieillir, ce n’est pas seulement compter les années.
C’est apprendre à dire adieu sans s’éteindre.
C’est garder vivant.e.s, dans les plis du cœur, ceux et celles qui sont déjà partis.
Et parfois, pleurer jusqu’à ce que le silence devienne semence pour faire naître d’autres rêves, d’autres sourires…
Vieillir, ce n’est pas faiblir.
C’est oser continuer.

– Alejandro Jodorowsky

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La vie vous brisera.
Personne ne peut vous protéger de cela, et vivre seul non plus, car la solitude vous brisera aussi avec son désir.
Il faut aimer.
Il faut ressentir.
C’est la raison de votre présence sur terre.
Vous êtes ici pour risquer votre cœur.
Vous êtes ici pour être englouti.
Et quand vous êtes brisé, trahi, abandonné, blessé, ou que la mort vous frôle, asseyez-vous près d’un pommier et écoutez les pommes tomber en tas tout autour de vous, gaspillant leur douceur.
Dites-vous que vous en avez goûté autant que possible.

~ Louise Erdrich

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