LA POUTRE ET LA PAILLE

Il est beaucoup plus important de s’observer soi-même qu’autrui.

Il y a beaucoup à voir, à regarder et à critiquer en dehors de soi en ce moment avec tout ce qui se passe dans le monde, en particulier autour du ptit monsieur au grozégo et de ses sbires aux Zétats.

Divertissant. Comme un spectacle. Un vrai spectacle. Télé irréalité qui semble pourtant bien réelle. Du moins virtuellement réelle. On va le prendre pour du ca$h car si c’est dans nos écrans, ça doit être – en partie – vrai.

Tout ce cirque nous incite à regarder beaucoup beaucoup par en dehors, et beaucoup beaucoup moins par en dedans. Divertissement public gratiss. Maudit qu’ils l’ont l’affaire les zamaricains pour nous en mettre plein les ptites vues, comme la grande.

Mais à trop regarder à l’extérieur, on finit par oublier que tout ce que l’on voit en dehors de soi se trouve d’abord en soi. Pour reconnaître quelque chose, on doit l’avoir en soi. Pour le voir on doit l’avoir. Un peu du moins.

Toute cette arrogance, ce mépris, cette inhumanité, toute cette cupidité et cette avidité, ce bullying, cette extrême simplification d’enjeux complexes, nous les portons inévitablement nous aussi en nous. Même si nous ne les actualisons pas.

Peut-être que nous ne les démontrons pas autant que ces messieurs sûrs et si fiers d’eux, et quelques madames, peut-être que nous n’osons pas les verbaliser, mais si on les reconnait, c’est que c’est en nous aussi. La graine de ça anyway. Mais plus facile de le voir hors de soi qu’en soi. Car on ne veut pas porter ça en soi.

La paille dans l’oeil du voisin et la poutre dans le nôtre. Genre.

Bien sûr que nous ne partageons pas la plupart des valeurs mises de l’avant par Trump et sa gang. Bien sûr que nous ne sommes pas tout à fait semblables. Mais ce qui est mis de l’avant dans leurs déclarations et leurs politiques relève des pans d’une certaine humanité, et avec eux nous partageons cette humanité. Différents volets.

Nous n’avons évidemment pas la même soif de pouvoir, la même arrogance quant à l’imposition de mesures sociales qui nous lèvent le coeur. Bien sûr qu’à leur place, nous n’adopterions pas les mêmes mesures sociales. Mais justement, nous ne sommes pas à leur place et pour rien au monde nous ne voudrions l’être. De toute façon, même si nous le voulions, nous ne pourrions pas.

Nous préférons clairement rester dans nos estrades chauffées, et gérer la situation à partir d’ici. Plus facile, plus simple. On peut tout régler d’ici.

Bien sûr aussi que nos réalités sont très différentes de la leur. Et on pense probablement qu’ils vont accélérer la fin du monde, tel que nous le connaissons du moins.

Pourtant, on devrait être reconnaissant.e.s. envers ces acteurs d’un grand jeu politique et médiatique, car ces gens nous montrent que nous aussi nous sommes capables de mépris. Nous aussi pouvons détester, haïr même.

Ces gens aux paroles et gestes plus que discutables à nos yeux poutrés nous montrent un côté de nous-même que l’on aimerait mieux ne pas voir, que l’on préfère projeter sur les autres en pensant que nous sommes mieux qu’eux. Car toujours plus soyeux de se voir sous son meilleur angle. L’angle droit, et vertueux.

Mais nous portons, nous aussi, toute l’arrogance du monde entier en nous, l’insouciance, la peur de l’autre, l’ignorance de tant de choses et d’enjeux.

Lorsque nous allons dans des pays plus pauvres que le nôtre, nous réalisons alors que nous sommes alors considéré.e.s comme les riches d’autrui. En fait, même pas besoin de sortir du pays, qu’à aller se promener dans la grande ville. Tant de gens dans la rue, tant de gens qui souffrent.

Et que faisons-nous personnellement pour mettre fin à cette pauvreté ?

Avec la propension des écrans, on a fini par vivre par procuration. La vie est devenue un réalité show. On semble avoir perdu le contact avec une certaine matérialité, avec une partie de notre incarnation. Le monde s’est désincarné pour se virtualiser. Nos yeux ont perdu le réflexe de se fermer pour s’observer soi-même, pour observer ce qui observe. Notre regard est attiré vers l’extérieur et g^race aux écrans, on finit par prendre le monde pour du ca$h.

On vit avec une poutre dans l’oeil, en gossant avec l’aiguille du voisin.

Peut-être que cette situation actuelle servira à quelque chose finalement. Peut-être qu’elle nous fera revenir à notre coeur. Peut-être qu’en nous en mettant trop plein la vue, elle nous ramènera à notre capacité de se voir soi-même. Et qu’au final, au lieu de simplement s’offusquer, on va s’impliquer davantage dans des actions concrètes pour bâtir un monde meilleur. En tous cas, on part avec une poutre. Mon oeil.

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