
La vie est un immense champ de pratique. La vie entière n’est qu’un infini et éternel champ de pratique. Comme on dit parfois, un champ de tous les possibles, et d’autant d’impossibles, peut-être même davantage d’impossibles que de possibles car pour un possible, combien d’impossibles ? Mais ça on ne le saura jamais vraiment.
À chaque jour, si on le veut et qu’on décide qu’il en soit ainsi, on peut apprendre quelque chose de nouveau. Ou re-découvrir quelque chose qu’on savait déjà mais qu’on avait oublié.
Et chaque fois qu’on apprend, c’est inévitable, c’est à-propos de soi-même. Car nous ne connaissons du monde que ce que l’on ne connait de soi. En ce sens, nous sommes le monde et le monde est nous. Le monde, au sens des gens, des sens et des choses.
Apprendre constitue un grand exercice d’humilité. Car plus on apprend, plus on réalise qu’on ignore. Plus on apprend, plus on découvre qu’il y a tant à découvrir que nous ne savons pas encore.
Et plus on apprend sur soi, plus on apprend sur le monde. Car on ne peut connaître le monde qu’à la mesure à laquelle l’on se connait soi-même.
Je limite mon bla bla ce matin pour vous laisser lire ces deux textes ci-bas, riches en sagesse et en lucidité.
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Pour être avec l’autre, il faut avoir compris des choses en soi.
Si tu n’as rien compris en toi, si, comme dit Simone Weil, tu ne t’es pas élucidé un minimum, qu’est-ce que tu vas comprendre de l’autre ?
Tu ne comprendras de l’autre que ce que tu as vaguement compris de toi.
Je ne peux jouir de l’autre qu’en ayant de l’empathie, pour avoir de l’empathie il faut que je le comprenne.
Pour le comprendre, au sens premier (le prendre avec) il faut que je comprenne des choses en moi pour que ce qu’il est résonne en moi.
Et pour que ça résonne en moi comme un, il faut quand même que je m’y sois colleté à ce que je suis (qui est minable, médiocre, chaotique, inconséquent), mais tant que tu n’as pas un début d’élucidation de ce que tu es, qu’est-ce que tu vas recevoir de l’autre ?
Tu ne vas rien comprendre de l’autre parce que pour comprendre l’autre et bien il faut avoir compris soi.
Tu n’as de sympathie avec l’autre que ce que tu as accepté de sympathie avec toi.
Une véritable sympathie pas une relation mondaine, c’est autre chose, ça c’est une ivresse.
Ce que je peux dire modestement c’est que mon affection pour l’autre ne peux pas ne pas dépendre de ce que j’ai accepté d’aimer un peu en moi.
Car si je ne connais rien du tout de moi et si je ne sais pas qui je suis, je vais être dans un tel état d’incertitudes, de non présence, que je ne vais rien voir dans l’autre, et, ici, la phrase de Nietzsche est admirable: » je ne vais voir dans l’autre qu’une confirmation de moi, je vais l’utiliser, l’instrumentaliser, pour en faire un spectateur et non pas une rencontre.
– Fabrice Luchini
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Un vieil homme était assis sur un banc, une jeune personne vînt vers lui et lui demanda: – Vous souvenez-vous de moi, professeur ?
Le vieil homme répond : Non !
Le jeune homme lui dit qu’il était son ancien élève.
– Le vieux enseignant : Ah ! Qu’es-tu devenu ? Que fais-tu dans la vie maintenant ?
Le jeune homme répondit : Eh bien, je suis devenu professeur, moi aussi.
– Ah, comme c’est bon de le savoir, donc comme moi, dit le vieil homme.
– Oui, comme vous ! En fait, je suis devenu professeur, grâce à vous, vous m’avez inspiré à être comme vous.
Le vieil homme, curieux, demande au jeune professeur, à quel moment il avait décidé de devenir enseignant.
Le jeune homme lui raconte l’histoire suivante :
– Un jour, un de mes amis, également lycéen, est arrivé en classe avec une belle montre toute neuve, cette montre, je la voulais et j’avais décidé de la voler.
Peu de temps après, mon ami a remarqué que sa montre avait disparue et s’est immédiatement plaint auprès de vous.
Vous nous avez lancé : – Une montre a été volée pendant mon cours, aujourd’hui. Celui qui l’a volée, doit la rendre.
Je ne l’ai pas rendue parce que cette montre je la voulais … tellement !
Ensuite, vous avez fermé la porte et vous nous avez demandé de nous lever et que vous alliez nous fouiller tous, jusqu’à ce que la montre soit trouvée.
Mais, vous avez exigé de nous, de fermer les yeux.
Nous l’avions fait, quand vous avez fouillé mes poches, vous avez trouvé la montre et l’avez prise.
Vous avez continué à fouiller les poches de tout le monde. Quand vous avez fini vous avez dit : – Ouvrez les yeux. J’ai trouvé la montre.
Vous ne m’avez rien dit et vous n’avez jamais reparler de cette histoire.
Vous n’avez jamais dit non plus qui avait volé la montre.
Ce jour-là, vous avez sauvé ma dignité.
Ce fut aussi, le jour le plus honteux de ma vie.
Vous ne m’avez jamais rien dit, vous ne m’avez pas grondé ou attiré mon attention pour me faire une leçon de morale, mais vous avez réussi à m’éclairer. Grâce à vous, j’ai compris ce qu’est un éducateur et la valeur d’un enseignant.
Vous souvenez-vous de cet épisode, professeur ?
Le vieux professeur répond : – Je me souviens de cette montre volée, je cherchais dans les poches de tout le monde, mais je ne me souviens pas de toi, j’avais moi aussi, fermé les yeux en cherchant.
C’est l’essence même d’un éducateur.
Si pour corriger vous devez humilier, vous ne savez pas enseigner, ni être un éducateur. »
– Auteur inconnu

Très beau texte de l’auteur inconnu.
Rien à prouver…qu’à donner pour aimer mieux. 🌺
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