
Rare que je tente de mettre des mots sur les grands problèmes sociaux, et le vague à l’âme qu’ils suscitent. La guerre, l’itinérance, l’injustice, la dégradation du vivre ensemble. Je préfère habituellement jouer avec les mots de l’esprit, faire philosopher les ptits mots de l’âme, faire danser avec légèreté les mots de mes doigts jusqu’à vos yeux.
Mais parfois le sort du monde, notre monde, celui-ci, juste là, le monde ordinaire, nous, le petit monde, monsieur et madame tout le monde, nous rattrape, devient lourd et nous affecte juste là tellement que ça déborde. Comme ce matin. Parfois le monde me décourage et m’attriste. Moi qui a pourtant tout l’essentiel, comme la plupart d’entre nous.
Car le monde dans lequel on vit, notre monde, est bien réel et nous rentre dedans avec tant d’inhumanité et d’insensibilité. On a beau vouloir ne pas trop regarder les mauvaises nouvelles, on sait bien qu’il se passe de drôles d’affaires pas drôles du tout partout autour de nous. De proche comme de loin. Et si nous sommes le moindrement sensibles, ces faits sociaux finissent par nous affecter, par nous toucher le bout de l’âme.
Par exemple, en termes de richesses et de ressources, l’humanité est plus que riche et auto-suffisante. On a tout ce qu’il faut pour prendre soin de tout le monde, de tout notre monde.
Si on pouvait seulement partager plus équitablement ressources et énergies, tout le monde mangerait à sa faim et aurait un toit, comme le reste du strict minimum. Mais certains en ont déjà trop, et en veulent encore plus, alors que d’autres n’ont rien et ont bien peu de moyens pour changer les choses.
Partager davantage et arrêter de se diviser en nations prétendument distinctes car nous sommes tous humain(e)s et rien ne nous appartient. Rêveur le chroniqueur ce matin.
Le sort du monde actuel résulte en bonne partie du fait que ce sont une poignée d’hommes – et quelques corporations qui leur appartiennent – qui se l’ont approprié aux dépends des autres pour faire toujours plus de profits, en exploitant jusqu’au bout les ressources, en siphonant notre terre mère. Bien sûr que cela est plus complexe que ça, mais la base du problème me semble y résider.
Un autre meme pour illustrer la situation.

– Grace Paley, autrice américaine, poète, enseignante et activiste politique.
On surexploite la terre et on prône la guerre à des fins économiques.
On a transformé le simple besoin fondamental de se loger en marchandise, en bien de consommation, en opportunité de faire du cash au détriment de nos jeunes, comme des plus nécessiteux. On se tire dans le pied.
Au-delà des grands enjeux sociaux complexes auxquels il semble bien difficile de s’attaquer individuellement et à main nue, on ne peut que faire de son quotidien un oasis de sens et de paix. Demeurer conscient des grands enjeux en les adressant au quotidien et en faisant du mieux que l’on peut à notre échelle.
En demeurant tout de même émerveillé par le miracle de la vie.
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À la question posée par François Busnel : Dans le monde actuel, comment faire pour garder intacte notre capacité d’émerveillement ? Christian Bobin a répondu :
Toujours ramener la vie à sa base, à ses nécessités premières : la faim, la soif, la poésie, l’attention au monde et aux gens.
Il est possible que le monde moderne soit une sorte d’entreprise anonyme de destruction de nos forces vitales sous le prétexte de les exalter.
Il détruit notre capacité à être attentif, rêveur, lent, amoureux, notre capacité à faire des gestes gratuits, des gestes que nous ne comprenons pas.
Il est possible que ce monde moderne, que nous avons fait surgir et qui nous échappe de plus en plus, soit une sorte de machine de guerre impavide.
Les livres, la poésie, certaines musiques peuvent nous ramener à nous-mêmes, nous redonner des forces pour lutter contre cette forme d’éparpillement.
La méditation, la simplicité, la vie ordinaire : voilà qui donne des forces pour résister. Le grand mot est celui-là : résister.
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L’écrivain qui refuse d’explorer les régions les plus sombres du cœur ne sera jamais capable d’écrire de manière convaincante sur l’émerveillement, la magie et la joie de l’amour, car on ne peut pas non plus faire confiance au bien s’il n’a pas respiré le même air que le mal.
~Nick Cave
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Papier intéressant de Marie-France Bazzo:
https://www.lapresse.ca/dialogue/chroniques/2024-05-21/envie-d-autre-chose.php
