
Tant qu’on se pense séparé(e) des autres, nous ne sommes pas complètement incarné(e)s. Pas 100 % humain(e). Car nous ne sommes que le même corps social, nous faisons partie du même organisme vivant, et titubant. Telle une partie de notre corps qui se considérerait indépendante du reste, nous ne sommes pas séparé(e)s du Tout. Pas séparé(e) du tout.
Ainsi tel nous considérons le monde, telle est notre propre relation avec nous-même. Car nous sommes le monde. Telle est notre relation avec les autres, telle est notre relation avec soi. Cela semble si évident. Et pourtant.
Nous jugeons, nous critiquons, nous trouvons des fautes chez autrui à qui mieux mieux. Réflexe quasi généralisé. Dès que quelqu’un est différent de soi, de ce que nous considérons normal, nous identifions la faute, nous cherchons l’erreur, là où ça cloche, comment il ou elle devrait être. Autrement que comme il/elle est.
Nous mettons si souvent l’emphase sur les fautes des autres. Et ce réflexe a été magnifié par les réseaux sociaux, par la vie qui passe principalement par les écrans désormais. On dirait que nous sommes devenus désensibilisés, insensible aux autres. Ils et elles ne sont devenues que des images, des avatars en une seule dimension, dans notre écran. Et la vie un grand film qu’on regarde se dérouler devant nous, nous en dehors, ou légèrement en retrait.
Mais en jugeant autrui à outrance tel que nous le faisons tant et si souvent, et en l’exprimant de plus en plus on dirait, je crois que nous faisons la même chose avec nous-même.
Ou est-ce que parce que nous faisons la même chose avec soi qu’on projète ça chez les autres ?
Cherchons le sens.
Nous sommes particulièrement dur(e)s et jugeant(e)s avec les personnes publiques qui ne partagent pas nos vues ni nos intérêts. Nous les considérons quasiment comme des non-humain(e)s, comme des moins que rien. Pourtant.
Ne seraient-ils/elles pas que des parties de nous-même ?
Ne seraient-elles/ils pas que des projections de nos jugements et de nos propres faiblesses ?
La question se pose mais ne se répond pas si aisément car dérangeante.
Amour, amitié et compassion sont les trois premiers termes utilisé par Mme de Beauvoir dans la citation ci-haut en lien avec la valeur de notre propre vie. Et ensuite seulement, indignation. On dirait qu’on a l’équation dans le mauvais ordre de priorité. On s’indigne en premier lieu la plupart du temps. Et souvent on s’arrête là.
Pourtant, notre propre vie et celle des autres n’est-elle pas la seule et même vie ? La même vie que déclinée en des corps différents ? Autres questions.
Bien sûr, on doit combler et prendre soin de ses propres besoins de base dans un premier temps. Mais lorsque cela est fait, que fait-on par la suite ? Que fait-on pour contribuer au bien-être du plus grand nombre ? Pour améliorer le sort commun ? Que peut-on faire pour faire cesser la guerre ? Pas évident je sais.
De bien grandes questions en ce petit vendredi matin pluvieux d’avril je l’admets. Mais le sort du monde actuel est questionnant, dérangeant.
Bien sûr on ne doit jamais perdre de vue notre immense chance, le privilège que l’on a de vivre ici. Et ne pas perdre de vue non plus toute la beauté du monde. Que l’on ne doit surtout pas tuer comme implorait la chanteuse.
Peut-être que la réponse consiste simplement à faire du mieux que l’on peut, ce que l’on fait avec amour et soin, avec gratitude et reconnaissance face à cette immense existence, et, petit à petit, partager notre bonheur et notre gratitude avec les gens autour de soi. Jouer le rôle que l’on nous a attribué avec le plus de justesse possible.
En posant de petits gestes, à notre mesure. Avec humilité, et sincérité.
Et en voyant les autres comme nous-mêmes, et en les traitant ainsi, comme nous voulons qu’on nous traite.
Sans jamais oublier ceux et celles qui vivent des situations difficiles, guerres, famines, errance et itinérance. Et voir ce que l’on pourrait éventuellement faire pour contribuer. Car ce qu’ils et elles vivent en ce moment, d’une certaine façon c’est aussi ce que nous vivons nous. À distance, avec un délai. Mais il est aussi très possible que notre confort ne dure pas éternellement. Alors apprécions-le pendant que ça passe. et partageons-le un peu.
___
Pratiquez jusqu’à ce que vous vous voyiez dans la personne la plus cruelle sur Terre, l’enfant affamé, le prisonnier politique.
Continuez jusqu’à ce que vous vous reconnaissiez dans tout le monde au supermarché, au coin de la rue, dans un camp de concentration, dans une feuille, dans une goutte
Méditez jusqu’à vous voir dans un grain de poussière dans une galaxie lointaine.
Regardez et écoutez de tout votre être.
Si vous êtes pleinement présent, la pluie de Dharma arrosera les graines les plus profondes de votre conscience, et demain, en lavant la vaisselle ou en regardant le ciel bleu, cette graine germera, et l’amour et la compréhension émergeront comme une belle fleur.
– Thich Nhat Hanh
