8,485 MILLIONS À SE LA FERMER

Je lisais dans La Presse hier un article de Nathalie Collard qui affirmait qu’on est 8,485 millions et qu’il fallait se parler.

Pourtant, depuis qu’on a plus que jamais auparavant autant de lieux d’expression de toutes sortes pour donner notre opinion, il règne une telle cacophonie, un chaos opiniomatique à tendance de plus en plus agressive et agressante. Violente même.

Chacun(e) peut désormais partager son opinion. En fait la plupart répète as nauseum la même opinion. Et plusieurs se plaisent à engueuler quiconque ne partage pas la sienne. Et c’est souvent ceux qui ont le moins à dire qui en disent le plus, et le plus fort.

Personnellement, je préfère me la fermer. Je préfère écouter le silence. Alors je vais marcher en forêt et j’écoute la vie. Le vent dans les arbres. Les oiseaux qui placotent. La terre qui vibre doucement et qui nous parle. Et ces temps-ci, j’écoute l’automne arriver et les feuilles qui rougissent. Car oui, si on écoute avec attention, on peut les entendre. Elles qui nous montrent le cycle si naturel des saisons.

Il y a une immense différence entre entendre et écouter.

En général, on entend ce qui arrive à nos oreilles, les bruits ou les sons les plus sonores, les plus tonitruants. On entend davantage les cris que les chuchotements. On entend les gens qui parlent, mais en réalité on ne comprend que ce que l’on veut ou ce que l’on peut comprendre de leurs paroles. Tant de gens, qui disent tant de n’importe quoi. Et son contraire.

On trouve même des gens qui s’écoutent parler eux-mêmes. Des beaux parleurs. On dit que les hommes ne peuvent pas faire deux choses en même temps. On a la preuve du contraire ici car une tendance plutôt masculine majoritaire que s’écouter parler à mon avis.

Alors écouter plutôt que de parler, que d’émettre son opinion. Félicitations pour votre belle opinion. Mais elle ne m’intéresse pas vraiment. Vraiment pas en fait. Même la mienne ne m’intéresse pas. Je suis blasé de mes opinions, qui ne sont que des vagues de surface. J’ai envie du fond de la mer, là où tout est plus calme.

Comme il y a de plus en plus de bruits, trop d’opinions pour mes deux ptites oreilles et ma paire d’yeux, résultat de la multiplication de lieux d’opinion et d’écrans pour les diffuser, je préfère de plus en plus lâcher mon ordi et aller écouter le silence. Écouter la vie. La grande, comme la petite.

Je préfère me taire et méditer, faire silence, et le garder. l’écouter. Et si vous saviez tout ce que j’entends. Car ma propre tête est pleine de bruits. Ça n’arrête jamais. Et tout doucement, à force d’écouter, de se mettre dans une disposition d’écoute, on finit par entendre de plus en plus l’inaudible, ce qui s’approche du silence, celui envahi par les mots et le bla bla. Car souvent, le silence est pris en otage par les mots. Trop souvent.

Alors comme pour muscler le corps, on doit aller au gym du silence et développer sa musculature d’écoute. Mais pour cela il faut tout d’abord arrêter de parler, il faut apprendre la patience, et le rien faire. Quoi qu’écouter c’est déjà faire beaucoup. Il faut arrêter et écouter, et laisser aller les infinies pensées qui tournent en boucle. Et tout doucement, sans faire de bruit, quelque chose comme un silence commence à émerger.

Imaginez, si on était 8,485 millions à se la fermer. Peut-être qu’on pourrait enfin s’entendre.

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Le silence est l’océan, la parole une rivière. Lorsque l’océan te cherche, ne marche pas dans la rivière, écoute l’océan.
– Rumi

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